Alors que la journée précédente était bien chargée, j’ai eu du mal à m’endormir et voilà que je me réveille une heure avant le réveil ! Je tourne la tête sur l’oreiller, mais ne fait que somnoler. Je me lève et plie une dernière fois les affaires. Ce coup ci le duvet et le tapis de sol retournent dans leurs sacs et je plie la tente une dernière fois, mais je la laisse sur la table en bois de mon emplacement, avec un petit mot à l’attention de mes successeurs. J’avoue que j’ai un peu des scrupules à l’abandonner ainsi alors qu’elle m’a fièrement rendu service pendant ce voyage, quels que soient les niveaux de température et d’humidité.
Je prends la route direction Sunrise Ridge, à l’autre bout du parc. Là encore, quelques kilomètres à vol d’oiseau se traduisent par près de 100km de route de montagne. Le temps est couvert, mais ce n’est que de la brume de vallée, car il ne fait pas très chaud au petit matin. La route monte entre Cougar Campground et Paradise et je finis par me retrouver dans la purée de pois, assez épaisse. Ajoutez à ça les innombrables travaux sur la route et il me faut presque 2h de zigs et de zags, de follow me, de montée et de descente pour arriver à Sunrise Lodge. Entre temps j’ai quitté le brouillard en redescendant et en rejoignant une vallée qui est sous l’effet de foehn. L’un dans l’autre je consomme pas mal et me demande si j’aurai suffisamment d’essence pour le retour et jusqu’à la prochaine pompe, ce soir sur la route de Seattle. Tomber en panne sèche au pays de la bagnole, ça ferait tâche.
La route sur Sunrise est superbe. On s’enfonce d’abord le long de la White River qui descend du Emmons Glacier, puis la route attaque la pente par de grands lacets jusqu’à rejoindre la crête, une dernière épingle à la pointe du massif en guise de panorama, et la route se termine à la lodge à près de 2000m. Le temps est magnifique et le Mt Rainier est toujours aussi impressionnant vu sous cet angle, dominant tout le reste d’une très large tête. Devant moi s’étend Emmons Glacier, le plus important du massif, qui tombe bas dans la vallée par laquelle je suis arrivée. Je prends mon petit dej devant ce spectacle, fait quelques photos sur différents points de vue, mais comme à Grand Teton, ici le sujet des photos est unique ! J’essaye de varier les plaisirs en serrant le plan sur les séracs ou les petites fleurs de prairie.
Il est 10h passé, je reprends la route pour Paradise si je veux y être avant 13h pour faire ma rando du jour, le temps de visiter une ou deux bricoles en route. Je consomme beaucoup moins dans ce sens, grâce à la descente et à une conduite plus pépère, on devrait éviter la panne mais la marge est faible. Toujours les mêmes travaux sur la route, mais sans la purée de pois. Le ciel est dégagé désormais de ce côté de la vallée, seuls des petits nuages s’accrochent au sommet. En route je m’arrête à Box Canyon. Ce qui n’est en somme qu’un petit torrent de montagne a réussi à creuser un canyon de 55m de profond, très étroit, dans la roche volcanique qui compose le sol ici. Sur les bords, de grands blocs granitiques, modelés par un ancien glacier, sont désormais recouverts de mousses vertes et orangés du plus bel effet.
Petit stop au reflection lake local, mais la vue n’est pas terrible, et j’arrive à Paradise à 12h30 passé. Je mange un morceau au Visitor center et m’enquiert des conditions sur le Skyline Trail que j’avais repéré la veille, et qui monte à Panorama Point à plus de 2000m. Malgré les nombreuses névés dans les parages, je n’avais pas trop anticipé la réponse du Ranger qui me demande si je m’y connais en navigation sur la neige, si j’ai une carte et un GPS ? Euh.. c’est à dire que… En fait le sentier est encore en bonne partie recouvert d’une bonne épaisseur de neige et seule la première partie, balisée de long en large par tous les baladeurs qui l’arpentent, est gérable me dit-il. Hésitation… Allez, je me contenterai de ça. Le ciel est couvert par les nuages accrochés au sommet, venant de l’ouest, et avec le petit vent il fait frais et je préfère prendre la Goretex.
J’attaque le sentier et effectivement la neige arrive très vite dans la partie. Ca glisse un peu sous la semelle mais rien de grave. Par contre ca monte plutôt «drè le pentu» et il faut gérer l’effort. Les passages de neiges alternent avec les passages à découvert, voir rocailleux. J’arrive en une heure à Panorama Point, avec une belle vue sur le Mt Adams, le Mt Hood au loin et le St Helens qu’on devine. C’est toutefois plus nuageux que la veille, et en particulier sur le Mt Rainier qui joue à cache-cache. La couche n’est pas très épaisse, purement orographique, mais fait le rideau entre moi et le sommet. J’arrive à faire quelques photos en profitant d’une éclaircie, mais elles sont de courtes durées. Je monte jusqu’à Peeble Creek, un peu au dessus, et la vue sur les glaciers et les vallées est prenante.
15h, il est temps de faire demi-tour. Je redescends en glissade sur la neige, voir sur les fesses à quelques endroits et c’est plutôt fun. La descente ira bien plus vite que la montée. Je profite de deux ou trois rayons de soleils pour immortaliser les «meadow wildflowers» bleues, jaunes, blanches, rouges, violettes. Je m’attendais à quelque chose de plus dense mais c’est déjà assez joli. On voit de tout sur le sentier enneigé, des mecs archi-équipés qui vont aller sur les glaciers, des touristes en short et petites chaussures, et même une triplette de moines tibétains en habit ! Et aussi quelques marmottes, pas farouches pour un sou.
Je suis de retour au parking à 16h30, me change, et reprend la route. Je m’arrête en chemin à Narada Falls, qui asperge bien, et pour faire une photo de la rivière de galet qui constitue la fin de Nisqually Glacier et le début de Nisqually River. Une dernière photo et il est temps de dire au revoir à tout cela. C’était la der, ce soir on dort à Seattle, on refait la valise en attendant l’avion. Toutefois le Mt Rainier m’accompagne tout du long sur la route. Il domine vraiment toute la région. Je fais une dernière photo sur la route, avec le soleil bien dans l’axe.
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