PNW’13 – Day 19 – Mt St Helens & road to Mt Rainier

Le site du Mt St Helens est vraiment vaste et pas aisé d’accès. Hier j’ai fait le versant Nord, qui accueille la plupart des visiteurs et touristes, c’est celle qui donne la meilleure vue sur le volcan. Mais aujourd’hui, je veux randonner sur le volcan et le meilleur moyen d’y accéder et de faire le tour et d’attaquer par le versant Est. A vol d’oiseau, depuis Johnston Ridge où j’étais hier, ça doit représenter moins de 10km. Mais en voiture, c’est un détour de 250km car il faut récupérer l’Interstate, redescendre vers Portland, rebifurquer pour contourner le massif par le Sud, puis reprendre plein nord. Il faut donc se lever tôt si je ne veux pas attaquer la rando trop tard dans la journée. Levé 7h, j’en ai marre, vivement le boulot que je me repose. J’achète vite fait un sandwich pour être tranquille à midi, car là où je vais la route est déserte.

Mt St Helens

Je fais donc route au sud vers Portland puis bifurque sur la route 503 à Woodland. Elle longe d’abord trois lacs avant de s’enfoncer dans la vaste forêt de Gifford Pinchot. Je n’ai pas encore pris mon petit déj et une table en bois au bord de l’eau m’invite à m’arrêter là. Aujourd’hui encore il fait encore grand beau et la pause brioche-nutella est agréable. Je continue dans la vallée plein Est jusqu’à prendre la route 25 qui part au Nord. On ne croise pas grand monde par ici et je m’amuse bien sur la route qui sillonne dans la forêt. Jolie route certes, mais complètement défoncée. Pas de nid de poule, mais les racines sous la route l’ont soulevé ici, affaissé là, et le beau ruban de bitume s’est transformé en grand huit sur lequel la voiture danse dans tous les sens. Ca devient intéressant dans certains virages, merci Hyundai. Au fur et à mesure je gagne de l’altitude et la vue commence à se déboucher. Sur la gauche, je finis par avoir une belle vue sur le flanc est du St Helens. Dans le rétro, on distingue aussi le Mt Hood à la forme si reconnaissable et devant sur la droite,  les 3700m du Mt Adams apparaissent dans le pare-brise.

Mt St Helens from the scorched zone

Déjà 2h que je roule et que je me fais brasser dans tous les sens par les remous de la route. Certes je pourrai ralentir, mais non en fait je ne peux pas. La route forestière 99 s’ouvre sur ma gauche. Bon timing, car on a beau être en juillet, elle n’a été réouverte à la circulation que la semaine dernière. Pourtant plus de trace de neige ici. La route monte le long du ridge, défoncée comme la précédente. Alors que j’observe le paysage qui change à vue d’oeil, BAAMMM, les suspensions tapent sur une bosse plus forte que les autres. Ne m’y attendant pas, je ne sais même pas ce qui vient de m’arriver, rien de spécial de visible dans le rétro, mais les vertèbres l’ont senti passer. OK, Hyundai c’est costaud. Je lève un peu le pied et faute d’avoir compris le pourquoi du comment, je reviens sur le paysage. Là où le St Helens a surpris tout son monde en 1980, c’est que d’habitude les volcans de ce type explose « par le haut » lorsqu’ils rentrent en éruption, propulsant lave et débris vers le ciel, qui retombent ensuite partout aux alentours. Mais le St Helens n’est pas n’importe quel volcan et il a plutôt décidé de développer un « bulbe » sur son flanc qui a fini par exploser sur le côté, mais avec une explosion dirigée horizontalement vers le Nord plutôt que verticalement. De fait, toutes les collines qui lui faisaient face ont été balayées par un souffle d’une force cyclonique et la belle forêt de Pinchott a pris une claque gigantesque. Je quitte d’abord la forêt verte pour rentrer dans la « scorched zone » où les troncs sont restés debout, mais ont perdu toutes leurs branches, et se dressent encore comme des allumettes. A peine plus loin, je rentre dans la « blown zone » où les troncs ont été arrachés à leurs souches et sont tous encore couchés parallèles les uns aux autres. Finalement, j’arrive dans la « no tree zone » au nom explicite. Ici il reste au mieux quelques souches, et rien n’a vraiment repoussé par dessus. Comme la veille, l’impression de dévastation est toujours présente. Trente trois ans plus tard, on a l’impression que ça a eu lieu le mois dernier.

Scorched zone with new forest

Blown zone

Blast zone

La route donne de bons points de vue sur Spirit Lake et sa colonie de troncs flottants. Ce lac existait déjà avant le désastre, un joli petit lac bleu entouré de collines assez hautes et abruptes. C’était même un site touristique de choix, avec plusieurs campings le long des rives et pas mal de pêcheurs. Mais le glissement de terrain s’est jeté droit dessus. Quand il est arrivé sur le lac, il a provoqué une vague, un mini tsunami, qui a remonté les pentes des collines aux alentours sur près de 250m de haut (!). Ces pentes là venaient d’être balayées par le souffle de l’explosion et les arbres avaient déjà été arrachés à leur souche. L’eau du tsunami a servi de grand nettoyant, embarquant tous les troncs en redescendant le long des parois. Outre le fait d’avoir été déplacé de 500m et d’avoir vu son niveau monter de 60m, le lac vit sa surface être recouverte de tronc d’arbres. Trente trois ans plus tard, il subsiste une île de bois flottants assez vaste et pourtant les deux tiers des troncs ont déjà coulé au fond depuis 1980. L’ile se ballade sur le lac au grès des vents. Les scientifiques pensaient que le lac gorgé de gaz volcaniques toxiques et de troncs en décomposition mettrait des décennies à s’en remettre. Trois ans après l’explosion, les premiers batraciens étaient de retour et ont prospéré comme jamais. Aujourd’hui on pêche dans ce lac.

Spirit Lake and floating trunks

Spirit Lake

J’arrive à Windy Ridge à 11h. Il y a un joli point de vue auquel on accède par un long escalier aux nombreuses marches mais je le garde pour le retour. Pour l’instant l’objectif de la rando est de rejoindre Loowit Falls, une chute d’eau creusée par l’eau qui s’écoule d’un des glaciers qui s’est recréé dans le cratère principal. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre mais le sentier doit me faire passer à travers toute la zone du glissement de terrain et des anciennes coulées de lave et c’est ce que je cherche. Je prends le Abraham trail qui est d’abord une piste qui descend en contrebas du ridge, puis m’engage sur Loowit trail, un sentier qui se ballade au pied du Mt St Helens. Sous mes chaussures, la géologie défile. Je marche d’abord sur un tapis de pierre ponce. Ces pierres blanches extrêmement légères sont issues de lave en fusion qui a refroidi extrêmement vite, créant une multitude de microbulles à l’intérieur. Tellement légères qu’elles flottent quand on les jette dans l’eau. Mais ici, interdiction formelle de ramasser le moindre caillou, il y a des panneaux partout pour vous le rappeler, pourtant c’est tentant tellement c’est étonnant et tellement il y en a à perte de vue. Alors on ne fait que marcher dessus, et les semelles n’apprécient que moyennement car c’est une roche des plus abrasives.

Mt St Helens geology

Plus tard, les pierres ponce sont remplacées par des pierres d’un autre type beaucoup plus chargées en silice, passant par des couleurs de bruns, de rougeâtres, de noirs, et beaucoup plus lourdes. Des rhyolites, du basalte, quelques obsidiennes. Le sentier passe à travers de nombreuses coulées, certaines inactives, et d’autres où coule un petit torrent d’eau descendant du cratère. L’une d’elle ressemble à un oasis de verdure dans le désert, avec plein de petits arbustes et de fleurs s’étant installés le long du maigre cours d’eau. En dehors de ça la végétation est rare et rase, mais pas inexistante. De l’herbe, des petites fleurs, des arbustes, des petits conifères, mais il faut bien avoué que globalement ça reste très minéral. On traverse quelques coulées de lave, ou encore des torrents de cailloux volcaniques. Sur ma gauche, le cratère me domine par sa hauteur. Je n’ai croisé personne depuis une heure et je suis là, au beau milieu de ce glissement de terrain dont on voit la portée en contrebas. On comprend que Spirit Lake, droit dans l’axe, ne pouvait pas y échapper. On constate aussi que le glissement et le flot pyroclastique a été suffisamment puissant pour descendre la paroi, escalader la colline d’en face, la dépasser, et retomber dans la vallée derrière. Bizarrement on se dit que si pour une raison X ou Y, ça venait à se réveiller là maintenant, il n’y aurait juste rien à faire. Ca parait idiot, en même temps la dernière grosse coulée de lave date de 2008.

Mt St Helens from Windy Ridge

Life on the volcano

Volcanic rocks

Volcanic rocks

Path of the pyroclastic flow & blast

Les distances indiquées me semblent bien optimistes ou alors je ne suis pas en forme. Toujours pas de chutes d’eau en vue et il est déjà 13h passées, plus d‘1h30 que je suis en route, il va falloir penser à faire demi tour et manger. Je ne sais pas si les Falls en question sont un torrent que j’ai déjà passé ou si ça reste à découvrir devant moi. Je poursuis un peu par curiosité et tombe sur un panneau qui les indique dans 1/4 miles, soit 400m. Effectivement je les vois au loin, plus haut et au moins à 1km ! Le sentier attaque droit dans la pente et je presse le pas. On se rapproche assez rapidement de « Sugarbowl dome » qui indique la base du cratère et l’impression de se jeter dans la gueule du dragon est assez forte. Je finis par arriver au pied d’une belle cascade dont le torrent a creusé un mini canyon dans la couche de débris, de cendres et de sédiments qui constitue le sol. Trois photos et je rebrousse chemin, en pressant le pas, jusqu’à retrouver mon oasis qui me fournit un peu d’ombre pour manger, car il n’y a pas un nuage dans le ciel et le sol clair réverbère assez fort.

Loowit Falls

Loowit Falls

Je croque dans mon casse-croute devant une vue assez incroyable. Au premier plan le glissement de terrain qui répand ses cailloux jusqu’à Spirit Lake, et ses coulures rouges et ocre qui remontent jusqu’au Johnston Observatory en face. Au second plan, les collines couvertes de troncs couchés. Derrière tout cela, le dôme enneigé du Mont Rainier, et sur la droite celui de son petit frère, le Mont Adams. Et pourtant je suis là au milieu de la verdure et des petites fleurs violettes, le torrent qui chantent ses glouglous en descendant dans la vallée. J’embrasse des kilomètres carrés de paysage à la ronde et pourtant pas un chat en vue pour me la gâcher. Je suis bien.

Small oasis on the landslide, with Spirit Lake & Mt Rainier

Mt Adams from Windy Ridge

Revenu au parking à 15h, je vois une Ranger se préparer à donner une petite conférence dans l’amphithéâtre qui surplombe le panorama. C’est prévu pour dans un quart d’heure, je lui demande si selon elle j’ai le temps d’aller escalader les 361 marches de l’escalier vu plus tôt pour atteindre le point de vue juste au-dessus. Elle me dit de ne pas trainer. Je monte donc ça au petit trot et arrive sur le petit sommet qui surplombe Spirit Lake, mais le « Windy Ridge » porte bien son nom car le vent a forci gentiment toute la journée, et ça caille un peu là-haut. Je ne m’y éternise pas et redescends mes 361 marches au petit trot pour arriver à temps pour écouter la Ranger nous faire un speech à propos de l’éruption, avec photos d’époque à l’appui.

Mt Adams

Un autre volcan m’attend ce soir et il est temps de reprendre la route pour repartir vers le Nord et rejoindre celle qui m’emmènera au Mont Rainier National Park, dernière étape du périple. La route est toujours aussi défoncée et je repasse par l’endroit où j’ai explosé les suspensions tout à l’heure. C’est en fait un énorme affaissement de la route, comme si on avait aspiré le bitume avec une énorme ventouse par en-dessous. Au centre, il doit bien y avoir 50cm de profondeur, et comprends mieux dans quoi j’ai mis mes roues tout çà l’heure, et pourquoi je n’ai rien vu ! Je quitte donc le secteur du St Helens en descendant vers la vallée de la rivière Cowliz. La route se fait sans souci et j’arrive à l’entrée du parc en fin d’après midi. Il y a beaucoup de travaux sur la route pour refaire le bitume, et comme à Yellowstone, on vous arrête pendant 10 min, un gros pickup jaune marqué Follow Me descend suivi d’une ribambelle de véhicules, il fait demi tour, et vous le suivez sur plusieurs kilomètres d’une route sur laquelle ils ont condamné une des deux voies de circulation. Si le Mt Hood et le Mt Adams étaient déjà impressionnants, le Mt Rainier est encore une classe au-dessus. C’est un gigantesque dôme à peine plus bas que le Mont Blanc. Toutes la partie au-dessus de 2000m est encore enneigé. Au détour de la route, j’observe le dôme gonfler dans le pare-brise qu’il fini par remplir complètement. La visibilité est excellente et à part quelques nuages qui s’accrochent en contrebas, on distingue bien le sommet et les glaciers. Je GoProte la route qui rend très bien.

Mt Rainier

Etant donné l’heure et le soleil qui tombe, je ne fais que repérer les lieux pour le lendemain sans trop m’arrêter, et il est 18h passé quand je trouve mon campground à l’autre bout du parc. Mon emplacement est réservé, je plante la tente une dernière fois et vais finir de reconnaître les lieux. Je pousse jusqu’à Paradise Lodge, histoire de repérer quelles ballades s’offrent à moi pour le lendemain et redescends sur Longmire pour manger une assiette de pâtes, le fameux « macaroni & cheese » américain qui doit faire se retourner Saint Barilla et Saint Panzani dans leurs tombes. Rentré au camp, c’est avec une petite émotion que je rentre une dernière fois dans mon sac de couchage et remercie ma fidèle tente Quechua pour ses services irréprochables, sachant qu’elle ne reviendra pas au pays, faute de place dans les bagages.

Mt Rainier

Retrouvez les photos ici

Mt St Helens to Mt Rainier

Mt St Helens to Mt Rainier

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