Vent d’hier, vent d’aujourd’hui

La Baie de Somme fait partie de ces coins de France que j’affectionne particulièrement. Rien de flamboyant, mais un petit terroir au cachet tout particulier, une situation exceptionnelle, une variété de paysages, une végétation surprenante, une faune très riche, et tout ça à deux heures d’ici. Bienvenue chez les Ch’ti du Sud

J’aime m’y balader au moins une fois par an, de préférence lors du Festival de l’Oiseau qui se déroule en avril. On s’en souvient, l’an dernier, l’été a eu lieu en avril et ça avait permis quelques photos colorées. En 2008, avril est des plus classiques et ma sortie annuelle là bas était plutôt couleur grisaille. Dommage, parce que du coup vous ne verrez pas photo de ma chasse aux phoques en pirogue au milieu des bancs de sable de la baie, ni de ma traque du sanglier dans les dunes du Marquenterre. Dommage, c’était bien sympa, et les deux étaient au rendez-vous.

Outre sa Baie, ses oiseaux et sa chasse, la Somme (et plus globalement la Picardie) est réputée pour son vent. Un vent généralement sans excès, mais régulier, qui donne à cette région un des meilleurs potentiels éoliens de l’Hexagone, avec la Bretagne, et le Languedoc Roussillon. Les Anciens l’avaient bien compris, et les moulins à vent y poussèrent régulièrement, au sommet des collines, pour en tirer profit et moudre leur grain. Parmi ceux-ci, le moulin de la commune d’Eaucourt-sur-Somme (moins connue que son maire, Henri Sannier), construit au XIXe siècle pour alimenter les boulangers d’Abbeville. Mais l’industrie est arrivée, et les moulins n’ont pas pu faire face aux minoteries. Alors on abandonna les moulins, et on se désintéressa du vent et de sa force.

Ce n’est que récemment qu’on se préoccupa du sort de ce moulin. Racheté, et restauré en état de marche, il permet désormais de voir comment fonctionnaient ces géants d’antan. On apprend donc à toiler les ailes du moulin, à faire pivoter le toit pour le mettre face au vent, à embrayer le hérisson sur le rouet pour activer la meule, à y jeter les blés et à en tamiser la farine. De la jolie mécanique en bois et toile, aérodynamique mais pas aéronautique (les ailes pèsent 12t, le toit 20t !), et des efforts récompensés par un goûter avec le pain issu de notre farine et des confitures maisons à tomber à genoux. Merci aux guides-meuniers d’avoir préparé tout ça.

Ce n’est que récemment aussi que le vent et à sa force revinrent à la mode. Par tous les sports de voile, évidemment, et plus prosaïquement par le besoin en énergie grandissant. Les Anciens ne s’étaient pas trompés, et après force études statistiques, les études ont montré que le coin le plus intéressant des alentours pour installer un champ d’éoliennes était le site même du moulin. Rien d’étonnant donc à ce qu’on découvre une demi-douzaine d’éolienne à deux pas du moulin. Que dirait notre brave Don Quichotte face à ces géants blancs, encore bien plus imposants que les moulins qu’il combattait ? Oserait-il s’y attaquer ? Il faut dire que les bêtes sont impressionnantes. 120m de haut en bout de pale, 80 mètres de diamètre, 2 mégawatt en pleine puissance. Woushhh, woushhh, woushhh, elles découpent gentiment et en sourdine l’air qui s’y aventure.

Difficile pour autant d’en penser quelque chose. C’est élégant certes, surtout avec ces pales magnifiques qui comptent autant de lignes droites qu’un Spit. C’est propre certes, cela ne nécessite aucun carburant, et est complètement démontable au besoin. Certes, ça permet aux petites communes rurales d’avoir de nouveaux revenus. Mais ça pousse un peu partout, car la France a pris l’engagement de porter à 20% sa part de production d’énergies renouvelables d’ici 2020. Aujourd’hui les barrages en représentant déjà 13, et arrive à saturation, et l’éolien, mois d’1% ! Alors les collectivités ne jurent que par l’expansion de l’éolien, ce qui en fait surtout un business juteux, d’autant plus qu’EDF est tenue d’acheter l’énergie produite au prix fort de 8cts le kilowatt. Juteux, on le voit bien, mais est-ce efficace ? Ca le serait si le vent soufflait en permanence, mais ce n’est pas le cas. C’est même le cas moins d’un quart du temps au final. Bref on peut se demander si on ne ferait pas mieux de mettre cet argent là à isoler les logements pour réduire la consommation, plutôt que d’essayer d’augmenter la production. Les éoliennes, un joli miroir aux alouettes ? De l’écologie trompeuse ? Mon brave Sancho Panza, remonte vite sur ton âne, nous avons un nouveau combat à mener !

2 commentaires

  1. Bon, pour ce qui est des photos, j’ai déjà indiqué mes préférences, hein.

    Concernant l’éolien, j’en discutais récemment avec une personne bien informée (qui intervient notamment par le site http://www.actdeveloppement.com/ ) qui me disait que justement, l’expansion jusque là un peu anarchique des parcs d’éoliennes était en voie de canalisation. On essaie d’eviter de voir des hélices poussées un peu partout sans vraiment de controle, puisque comme tu le dis, il y a évidemment un intérêt économique au niveau des communes, mais aussi des promoteurs, ce qui peut donc biaiser le système.
    Ceci étant, je suis d’accord, si on commençait par ne pas se comporter en américain glouton et à controler la consommation plutot que d’augmenter la production… :/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.