Chevalier Noir, Chevalier Blanc

Ces dernières semaines, il a beaucoup été question de médailles – celles qu’on gagne dans un stade et celles qu’on gagne dans de mauvaises guerres – ou encore de futur-ex présidents des États-Unis. Il a aussi beaucoup été question d’un Chevalier Noir qui Bat-ait tous les records du box-office. Batman, the Dark Knight : chef d’oeuvre ou gros buzz ? Ni l’un ni l’autre finalement. J’avais adoré Batman Begins et la rupture esthétique et scénaristique qu’il avait établi vis à vis des quatre premiers qui tournaient gentiment au nanard. Finis les costumes de carnaval, les batailles ‘Splashh, booummm, baaang » de dessins animés, Nolan nous plongeait directement dans le monde sombre de Frank Miller (celui de Sin City ou de 300) et nous a fait découvrir qui était vraiment ce super-héros dépourvu de super-pouvoirs et la bataille interne qui le ronge, pris entre justice et violence.


Quelques années après, on prend les mêmes, Nolan, Bale (vous savez, le gosse de l’Empire du Soleil), la Batmobile sorti d’un dépôt de l’US Army, on y rajoute un Joker plutôt flippant et on recommence. On secoue bien et on obtient un grand film, par la durée et par le contenu, mais sans la surprise qu’avait pu suscité Batman Begins. On est plus tout à fait dans le monde de la BD, on est pas encore dans celui du polar noir, on oscille entre les deux sur fond de règlement de compte à OK-Gotham. Alors chef d’oeuvre, sans doute pas, mais un très bon film qui mérite une grande partie du buzz médiatique qui l’auréole.


Quelques temps auparavant, trois milles kilomètres plus à l’Ouest, le monde avait pu faire connaissance avec un autre chevalier, blanc celui-ci, WhiteKnightTwo. Lui aussi il vole, mais dans un tout autre style, et c’est en juillet dernier que son concepteur l’a dévoilé, le « roll out » dans le jargon. La scène se passe sur le terrain de Mojave dans le désert californien, aussi vide et ensoleillé que Gotham City peut être peuplée et sombre. Pour le coup, il y a un peu plus de monde que d’habitude dans ce bout de désert, voire même du beau monde, et là encore un grand Buzz, astronaute de son état.


Exit les foules de passionnés qui avaient suivi avec force émotions le vol historique de SpaceShipOne, premier engin privé à atteindre les franges de l’espace, le parterre est constitué de gens sérieux – du moins c’est ce qu’ils disent – à savoir des businessmen et des journalistes. Il faut dire que la petite bande de furieux de Mojave a gagné ses lettres de noblesse et que les gens rigolent désormais beaucoup moins en parlant d’eux. Eux, c’est Scaled Composites, l’entreprise de Burt Rutan dont il a déjà souvent été question sur Daedalum. En 2002, Rutan avait marqué les esprits en faisant voler le WhiteKnight, avion porteur du SpaceShipOne, qui devait emmener ce dernier vers le succès. Le principe est simple, WhiteKnight emporte SpaceShipOne sous son aile jusqu’à une altitude de plus de 15.000m et le largue. Le petit suppo blanc allume alors son moteur fusée qui le propulse lui et ses occupants en dehors de l’atmosphère. Là encore, le père du Chevalier Blanc établissait une rupture esthétique et conceptuelle avec ce qui existait alors. Gigantesque structure composite bi-poutre, qui partage la même pointe avant que son petit frère SpaceShip, et tachetés de hublots ronds et noirs qui lui donnent vraiment l’impression de porter un heaume. J’avais adoré ce design, vraiment novateur, qui laissait entrevoir ce que pourrait être l’avenir du transport spatial.


Quelques années après, on prend les mêmes, Rutan, Branson (vous savez le proprio de l’Empire du disque), on y rajoute un objectif de rentabilité et on recommence. On secoue un peu (pas trop sinon ça explose) et on obtient un grand avion, par l’envergure et par le sens historique, mais sans la surprise qu’avait pu suscité WhiteKnight 1er du nom. Certes le fils (43m) est bien plus grand que son père (25m) et réaliser un aussi grand avion tout composite est un achèvement en soi. Certes le concept d’avion porteur ayant une grand communalité avec l’avion porté reste une prouesse. Mais pourtant si la parenté de WhiteKnightTwo avec son père est évidente (on peut aussi en voir une avec son oncle Global Flyer) il n’en reste pas moins qu’on voit réapparaître des formes et des concepts (cockpit, train, etc.) bien plus classiques qui réduisent – à mon goût – un peu l’esprit pionner de l’entreprise. Dommage pour le design, tant mieux pour la sécurité des passagers sans doute. Mais ne nous trompons pas, la seule ambition du Chevalier Blanc n’est pas de remporter un concours de beauté, mais de permettre d’ici quelques années de « démocratiser » le vol spatial et le rendre accessible à n’importe qui. Du moins, n’importe qui ayant 200.000$ en trop sur son compte en banque. On pourrait croire que cela réduirait fortement le nombre, mais pourtant il y a déjà plus de 250 inscrits sur liste d’attente ! SpaceShipTwo étant encore en construction, le premier vol commercial ne devrait pas avoir lieu avant 2011, emmenant les six premiers riches courageux à plus de 110km d’altitude.


Tout cela étant dit, ne boudons pas notre plaisir : noir ou blanc, les deux Chevaliers ont peut-être un air de déjà vu, mais ils marqueront tous deux l’Histoire à leur façon. Finalement, n’est ce pas cela, l’exploit ?

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