Il a plu toute la nuit, ce n’est pas bon signe, ça veut dire que l’orage d’hier soir était du à un front qui passe et que donc ça peut continuer encore un petit peu. Je me retourne sur l’oreiller plusieurs fois mais à chaque fois, plic plac ploc, ça tambourine gentiment sur le double toit. Un grand bravo à Mr Quechua qui a inventé la tente avec le meilleur rapport qualité prix du monde. J’ai connu des tentes bien plus chères qui connaissaient des fuites au bout d’une nuit de pluie continue comme celle là. Levé 6h30 quand même, on va voir à quoi ça ressemble. Eh beh c’est pas joli !! C’est très gris et très bas de plafond. Je profite d’une accalmie pour tout replier en 4e vitesse. Je secoue à peine la tente et elle est presque sèche. Plus rien à faire au camping, je me tire et remonte sur Mammoth.
La chose à voir ici, ce sont les terrasses, ces particularités géologiques qui ont fait la réputation du lieu et du parc. Lorsque les sources chaudes remontent en surface, l’eau qu’elles déversent est chargée de minéraux et cristaux en tout genre. Au cours des années et des siècles ces dépôts se sont accumulés sous forme de terrasses aux tons ocres, rouges et blancs éclatant, l’eau de l’une se déversant dans sa voisine du dessous. Comme à Upper Geyser Basin, des chemins hors-sol vous permettent de vous balader au milieu pour en profiter sous tous les angles. Mais avec ce plafond gris au-dessus de ma tête, ça ne paye pas de mine.
J’aperçois dans la partie la plus haute des terrasses des phares de voiture. Evidemment, il existe un drive ! Pourquoi visiter à pied quand on peut le faire depuis sa voiture ? D’habitude ça m’énerve, mais là ce matin j’avoue je préfère être bien au chaud avec la musique. En chemin je croise deux femelles Wapiti sur le chemin, et me lance sur le drive. A mi chemin le premier rayon de soleil descend sur Mammoth, ça me permet quelques photos, mais ensuite la pluie repart de plus belle.
Je redescend, fais quelques courses au magasin qui vient d’ouvrir (il est 7:30!), prend le temps de visiter le Visitor Center (qui annonce du «mostly sunny» pour la journée…), puis regagne la voiture et là, je vois une trouée bleue qui va durer au mieux une heure. Juste ce qu’il me faut pour faire le tour des walkways de Lower Terrace. Le soleil donne bien et les terrasses très blanches contrastent à fond avec le ciel resté très chargé. C’est assez joli, avec ces cascades de blancs, ces coulées de rouges orange, et au milieu de tout ça comme toujours des arbres morts, rongés par les vapeurs.
Il est 10h passé, je poursuis vers le sud en direction de Norris Geyser Basin. Pas vraiment de quoi se réjouir de la météo à l’horizon, mais tant qu’il y a des trouées bleues, je survis. En voilà une belle alors que j’approche de ma destination, inconsciemment je presse un peu la cadence. Evidemment quand j’arrive le parking est blindé. Je galère 10min la dedans et peste en voyant un gros passage nuageux arriver. Je fini par me garer sur le parking des campings cars. Je commence par Porcelain Basin, du geyser en veux-tu en voilà, enfin plutôt des marmites bleues jaunes que de véritables geysers. Je joue à cache-cache avec les nuages, prépare ma photo, scrute les tâches de lumières qui se hâtent lentement. Quand la tâche est sur l’objectif, clic clac kodak. J’avoue que j’aligne les photos sans grand plaisir. Les geysers c’est joli, et c’est palpitant de savoir la Terre qui bouillonne là juste sous vos pieds, mais il faut bien dire ce qui est, rien ne ressemble plus à un geyser ou à un mud pool qu’un autre geyser ou un autre mud pool. Surtout qu’à part quelques rares qui « éruptent » de manière prédictible, pour les autres il faut se contenter d’une marmite avec des remontées de gaz.
Je galère encore pour sortir du parking, et prend la route vers Madison Junction, par là où j’étais arrivé il y a trois jours. Je me rends compte que le plafonnier de la voiture ne veut plus s’éteindre. Avant, arrière, que les portes soient ouvertes ou non, contact coupé ou non, bagnole verrouillée ou non. Ma petite Dodge n’avait pas bronché jusque là. Super, j’espère que ça finira quand même par s’éteindre sinon la batterie ne va pas passer la nuit. J’arrive à Artist Pallet, un autre site de mud pools et de marmites. Je crois que je sature. Le froid et le mal de gorge-rhum que j’ai chopé dans l’avion aller n’aident pas. Je fais quand même le tour, attend sagement les rayons de soleil qui daignent faire le chemin jusqu’en bas, et reprend la route.
Je zappe Monument Geyser et Gibbon Falls, je n’ai qu’une idée en tête : prendre ma revanche sur Grand Prismatic que je n’avais pas pu voir le premier jour. En espérant que l’ours ne soit plus un problème et que le soleil soit au rendez vous. Vers le sud ça a l’air de s’améliorer et je fais la route sous le soleil. Arrivé sur zone, je vois des piétons emprunter le chemin qui était interdit samedi. Bonne nouvelle. Par contre c’est reparti pour des gros nuages bien gris. Je laisse la voiture plafonnier allumé, on verra ça plus tard et me lance sur le chemin. Le chemin indiqué dans le guide commence par longer une rivière, puis attaque une colline «dré le pentu» sur un chemin poussiéreux improvisé au gré des troncs d’arbres morts qui me servent de marches. Une « chance » que ça ait brulé ici il y a quelques années, la vue sur le bassin de Midway Geyser s’en trouve toute dégagée.
Ca monte dure et les cuisses chauffent. Heureusement on arrive vite en haut et la récompense est à la hauteur. Comment vous décrire Grand Prismatic ? C’est un oeil pointé vers le ciel, avec des nuances allant du rouge au bleu, qui sont le résultat des différentes bactéries qui peuplent cette marmite, la plus grande du parc. Vous pouvez vous balader à proximité directe, mais il faut monter sur cette colline, prendre le recul nécessaire pour vraiment apprécier la beauté de ce spot. Un couple d’étudiants autrichiens me rejoint au sommet, ainsi qu’un biker allemand. Pas de route pas de voiture, pas de voiture pas d’américains ! On est toujours à l’ombre mais une trouée s’annonce au sud. On attend sagement 20min qu’elle arrive et la vue passe de superbe à grandiose, les couleurs pètent, les déclencheurs crépitent.
Je remet ça depuis un autre point de vue puis repars vers la voiture. J’ouvre le capot pour voir si je trouve les fusibles histoire de tordre le coup à ce plafonnier, mais tout est protégé par des capots plastiques clipsés et je crains de tout arracher. Un ranger de passage me demande si tout va bien. Oui Monsieur, trois fois rien Monsieur. Je bricole ce que je peux et, sans que je comprenne pourquoi, le plafonnier s’éteint. Je remonte dans la voiture et en toute logique, il se rallume. Et reste allumé. Grmmlmlmle.
Je remonte sur Firehole Drive mais le soleil s’est barré et cette fois on ne le reverra plus. La température chute et le vent, qui a forci toute la journée, n’arrange pas les choses. Je passe Grand Fountain qui est un des plus grands geysers du parc et qui est prévu pour 19:30. Pas sur d’avoir la patience d’attendre jusque là. Je continue sur Firehole Lake. Une marmite qui bouillonne c’est sympa, mais un lac entier qui fume, ça fait son effet, dommage pour le manque de lumière. Je termine sur les geysers du Lower Bassin, Fountain Pot, mais il fait moche, je sature de geysers, il fait froid, ça souffle, j’ai le nez qui coule et ce putain de plafonnier qui reste allumé.
Je fais les photos syndicales sans conviction et ne rêve que d’une chose : arriver à mon chez moi de ce soir, encore à une heure d’ici. Tant pis pour Black Sand, Biscuit et la revanche à Old Faithful que j’avais prévue, de toute façon sans lumière pas de photo, et je ne sais pas à quelle heure ferme le Registration de mon camping. Sur la route le soleil refait une timide apparition dans mon dos comme pour se moquer, mais repart aussi vite. Le reste de la route se fait sous la pluie. Vivement qu’on arrive. Là encore le camping est marqué Full, la réservation a du bon. Le mec du Desk me vante la vue sur le Yellowstone Lake que j’aurai depuis mon emplacement. Chic, mais comme on ne voit pas à 1km avec cette petite pluie fine, j’ai comme un doute. Et il fait presque nuit de toutes façons.
J’arrive sur ma Loop, m’enfonce dans les pins (vue sur le lac ???), on n’y voit goutte, je cherche mon emplacement qui est évidemment le seul dont le numéro a été arraché. Je le trouve quand même, avec une magnifique vue sur… les pins de l’emplacement suivant. On avait sans doute une bonne vue sur le lac depuis là… il y a 100 ans. Peu importe. Et puis c’est toujours mieux qu’un camping sans ombre et avec emplacement en caillou. Je suis grognon.
Je plante la tente, en une minute s’est cloué au sol. Je l’ouvre pour y mettre le matelas et le sac de couchage. Le temps d’un aller retour à la voiture, une demi-douzaine de moustique s’invitent à l’intérieur pendant qu’un autre se fait un cocktail sur mon bras gauche. Attendez les mecs c’est pas open bar non plus ! Je balance du 5 à 5 en pagaille, et je vois enfin un avantage à avoir le rhume (déjà vrai vis-à-vis des odeurs de soufre dans les bassins de geysers).
Je repars aussi sec en quête de carburant pour ma voiture et moi. Je remonte à Fishing Bridge sous la pluie et cette saloperie de plafonnier m’aveugle à moitié en roulant de nuit. J’avance à tâtons sur la route. Va falloir que je trouve une solution. Je suis grognon.
En fait, si je suis grognon, c’est peut-être parce que demain c’est la fin de Yellowstone et le départ sur Grand Teton. Quatre jours bien remplis avec vraiment beaucoup de choses à se mettre au fond de la rétine. Même si la partie «géothermique» (la moitié au sud de la ligne Mammoth / West Thumb) est spectaculaire, la zone Canyon / Lamar Valley / Hayden Valley / Yellowstone Lake est vraiment incroyable. Que de beaux souvenirs en quatre jours. Mais quatre jours c’est trop court !
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