Bio-mimétisme

Bio-mimétisme ? Kesako ? J’avais rapidement abordé le sujet il y a quelques mois lors d’une présentation de ce site, qui arrivait à la conclusion suivante :

(Daedalum est un) site de photos, dédié à tout ce qui vole, animaux ou machines, avec l’infime prétention de vouloir vous montrer le lien intime qu’il peut avoir un oiseau et un avion, à moins que ce ne soit l’inverse…


Mi-hélice, mi-plume

Au cours du temps, vous avez pu voir quelles étaient mes préoccupations concernant le futur de l’aviation et du design aéronautique, et pour ceux que cette introduction homéopathique n’a pas repoussé, je commence ici une série de billets qui analysera plus en détail ce lien intime qu’il peut y avoir entre l’oiseau et l’avion, et comment les concepteurs ont pu s’inspirer de la nature pour construire des machines volantes. S’inspirer de la nature, voici ce qui se cache derrière le terme de bio-mimétisme, un mot relativement récent et compliqué pour un concept relativement simple et ancien.



En effet si l’idée remonte au moins à l’Antiquité, le terme lui est apparu dans les années 90 dans sa version anglaise tout d’abord – biomimicry – puis relativement vite en français. Bios – la vie – et mimetis – l’imitation. C’est l’américaine Janine Benyus qui débroussailla cette nouvelle approche avec son livre Biomimicry: Innovation Inspired by Nature. Au travers de nombreuses observations d’organismes vivants, elle a réussi à tirer les leçons suivantes, que nous donne la Nature :

  • Elle utilise une source d’énergie principale : l’énergie solaire,
  • Elle n’utilise que la quantité d’énergie dont elle a besoin,
  • Elle adapte la forme à la fonction,
  • Elle recycle tout,
  • Elle parie sur la diversité,
  • Elle travaille à partir des expertises locales,
  • Elle limite les excès de l’intérieur,
  • Elle utilise les contraintes comme source de créativité.

Si ces principes ne sont peut être pas directement tous applicables aux oiseaux, qui par exemple ne fonctionnent pas à l’énergie solaire (pas directement du moins), ils donnent une ligne directrice forte à tout ceux qui cherche à créer de manière efficace. Car oui, globalement la Nature est efficace, grâce à ces différents principes.

Certes les inventeurs n’ont pas attendu que cela soit écrit dans un livre pour travailler de la sorte. Dans les exemples classiques, on peut citer par exemple le Velcro, inspiré à son inventeur après-guerre par les espèces de minuscules fleurs de chardon dont son chien était constellé après une ballade en forêt et qu’il avait eu un mal – de chien – à retirer du pelage du pauvre animal. Citons encore les catadioptres inspirés des yeux de chats, des systèmes de climatisation inspirés par l’architecture des termitières, des surfaces auto-nettoyantes inspirées des feuilles de lotus ou encore l’aérodynamique du TGV japonais, le Shinkansen, qui n’est pas sans rappeler la tête du martin-pécheur. Ce n’est pas qu’une ressemblance, ses designers l’ont voulu ainsi, car le Shinkansen traverse de nombreux tunnels sur la ligne Osaka-Tokyo, tunnels dans lesquels l’air se faire plus dense qu’à l’air libre à cause d’un phénomène de compression. Il fallait donc des formes optimisées pour minimiser les phénomènes de transitions à l’entrée et à la sortie des tunnels, ce qui est le cas du martin-pêcheur dont le bec est optimisé pour plonger dans l’eau après un piqué à grande vitesse.


On voit que les domaines d’applications sont très larges, et vont en fait des nanotechnologies reprenant la structure des molécules à des systèmes complets et complexes reprenant des mécanismes, des méthodes de productions ou encore des comportements sociaux.

Pour autant nous nous limiterons sur Daedalum aux sujets relatifs à ce qui vole, qui pour autant restent nombreux. Car évidemment, une des premières raisons pour laquelle l’Homme a voulu imiter la Nature, c’est pour compenser le fait que cette dernière a oublié de le doter d’une paire d’ailes. Et autant l’oiseau pouvait traverser une rivière en quelques secondes, autant il fallait que l’Homme fasse un détour, ou apprenne à nager, ou construise un bateau, ou un pont pour faire de même. Rageant n’est ce pas ?

Alors bien sûr, des hommes ailés apparurent rapidement dans les textes mythologiques et religieux, en symbole du lien entre les Hommes et le divin, comme pour bien signifier que le royaume des Cieux n’étaient pas fait pour les simples mortels. Et puis il s’est avéré que certains mortels, plus ambitieux, plus prétentieux ou plus désespérés que les autres, tentèrent de s’attribuer ces privilèges divins. Certains volèrent le feu à Héphaïstos, d’autres se collèrent des plumes sur les bras à grand coup de cire. Cela dit en passant, le premier donnera après bien des siècles naissance au moteur, le second au planeur, et les deux ensemble à l’avion.

C’est donc à Dédale qu’on doit le premier acte de bio-mimétisme aéronautique, car c’est son observation des oiseaux et de leur particularité principale, les plumes, qui lui permis d’inventer un moyen de s’élever dans les airs, et moyennant quelques précautions, d’arriver à bon port. Cela étant dit, Dédale reste un personnage mythologique, et le premier homme de sang et de chair à avoir réellement réfléchi à des machines volantes inspirés des oiseaux fut Roger Bacon, au XIIIe siècle


Scientifique et frère franciscain, Bacon enseigna à Oxford avant que ses vues avant-gardistes sur la science et sa place vis à vis de la divine création soient largement pointées du doigt, jusqu’à l’accuser de sorcellerie et d’alchimie. On peut effectivement concevoir qu’en 1250, ce genre d’écrits pouvaient laisser penser que leur auteur était en proie aux démons, plus qu’à la divination :

« Ships will go without rowers and with only a single man to guide them. Carriages without horses will travel with incredible speed. Machines for flying can be made in which a man sits, and skillfully devised wings strike the air in the manner of a bird. Machines will raise infinitely great weights, and ingenious bridges will span rivers without supports. »


C’est à cause de ce genre de raisonnements que Bacon fut considéré comme un hurluberlu jusqu’à la fin du XIXe siècle… Pour autant cette première idée d’ornithoptère fut reprise par Leonardo da Vinci moins de deux cents ans après la mort de Bacon. Leonardo étant ingénieur là où Bacon était surtout un théoricien, Leonardo étudia d’abord longuement le vol des oiseaux, suite à quoi il écrivit un codex dédié à ce sujet, richement illustré. Illustrées également, ses conceptions de machines volantes, dont la machine à vol battu, ou ornithoptère, tel que prophétisé par Bacon. Néanmoins, de Vinci n’alla a priori jamais jusqu’à construire ces machines à taille réelle pour les tester. Sans doute avait-il senti que la force musculaire d’un homme ne serait en rien suffisante pour actionner directement une paire d’ailes…


A suivre…

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