Aujourd’hui c’est une grande première. Pour la première fois depuis le début du voyage, les lunettes de soleil vont rester dans leur étui. Ce matin à Aberdeen le temps est bien gris, bien bas et ça à l’air bien étendu. Sans doute de l’humidité venue de l’océan comme la veille. Au début je pensais que ça s’évacuerait en milieu de matinée comme hier mais il n’en n’a rien été. Dès le départ il était clair que cette journée serait sans doute l’une des moins fun avec beaucoup de kilomètres au compteur et rien de bien identifié à voir, si ce n’est s’arrêter ici et là le long de la route pour observer ce que la côte Pacifique réserve ici. Je prends donc la route, direction Westport, un village de pécheurs. Et bon comment dire, un village de pécheurs un dimanche matin quand le temps est gris et froid et que la marée est basse, c’est au moins aussi excitant que Linda de Suza en bas résille. Je passe vite mon chemin et poursuis sur la route. Cette partie de la côte est faite d’estuaire et d’estran, dans lesquelles sont élevées des huîtres. C’est très plat, très vert (je devine plus que je ne constate) mais pas très beau à marée basse.
La route défile et j’arrive ensuite du côté de Longbeach. Soit disant la plage la plus longue du monde avec 28 miles (45km) de sable non stop. Effectivement à partir de là et tout le long de l’Oregon, la côte Pacifique change de style. Les plages de galets couverts de troncs blancs laissent place à de grande étendue de sable fin. On trouve cependant encore des rochers isolés en mer, orphelins de la falaise-mère à cause de l’érosion. Mais pas ici à Longbeach, pas de falaise, c’est tout plat et les plages sont accessibles en voiture. De nombreux 4×4 et pickup ne se privent pas de la parcourir. Moi avec ma Hyundai je m’arrête bien vite parce que je n’ai pas envie de tester ses capacités de franchissement. Je reprends la route direction Astoria. Je dois pour cela traverser la rivière Columbia, une des plus importantes des Etats-Unis, qui prend sa source dans les Rocheuses et qui draine un des plus grands bassins hydrologiques du pays. C’est un pont gigantesque, d’abord au raz de l’eau, puis en arrivant sur Astoria il monte d’un coup pour créer un point de passage pour les bateaux. Je quitte ainsi l’état de Washington et arrive en Oregon.
Je mange vite fait à Astoria, ville sans charme, et poursuit en ayant le projet de visiter le Lewis & Clark National Park. Lewis & Clark sont deux figures importantes de la conquête des Etats-Unis, que j’ai appris à connaître à travers tous les coins que j’ai pu traversés depuis deux semaines. Suite au rachat de la Louisiane (qui s’étend alors jusqu’aux montagnes Rocheuses) à la France en 1803, le président américain Jefferson constitue une équipe chargée d’explorer ces contrées et éventuellement trouver un passage fluvial jusqu’au Pacifique. Lewis & Clark montèrent une équipe avec une traductrice Shoshone et un trappeur franco-canadien, et remontèrent d’abord le fleuve Missouri de Saint Louis jusqu’au Montana, puis ils découvrirent la rivière Yellowstone, la remontèrent, puis la Snake River que j’avais longé à Grand Teton et Idaho Falls, et qui se jette dans la River Columbia, ce qui leur permis d’atteindre le Pacifique, 2 ans après leur départ. Je fais un détour par l’aéroport pour voir sur quoi vole la station locale des Coast Guards: MH-60T et Falcon 20. Dommage, j’aurai préféré un Dauphin ! Ici les gardes-côte ne chôment pas, car quand la Columbia River rejoint l’océan, entre les bancs de sable et les forts courants, la zone est réputée être une des plus difficiles à naviguer, avec de nombreuses épaves à son actif. Quelques photos et je repars à la recherche du parc, que je ne trouve pas. A ma décharge, une carte erronée qui m’enduit d’erreur et une zone truffée de «state parks» de ci de là qui me fait perdre mes repères. Le temps passe, je laisse tomber et continue vers le sus nommé Seaside, sorte de station balnéaire qui donne sur une belle plage et ou est érigée une statue à l’effigie de Lewis & Clark marquée «End of the trail».
Je contemple des belles photos d’une belle plage identifiée comme «Cannon Beach» dans une vitrine et décide d’en faire ma prochaine étape. Ca tombe bien c’est sur la route. C’est effectivement joli, on retrouve la falaise et les rochers isolés, mais malheureusement le temps est toujours très gris et l’océan toujours couvert d’une épaisse couche de brume d’embruns. Je vois une trouée bleue au sud, et me dit que le ciel finira par s’éclaircir en fin d’après midi. Je fais quelques photos ici, quelques photos à la plage suivante, Tolavana, très similaire, et constate qu’il ne faut pas que je traîne si je veux arriver à Tillamook avant 16h, histoire d’avoir le temps de visiter le Air Museum local qui ferme à 17h.
Je presse un peu le pas, contourne quelques «bay» assez jolies mais pour lesquelles je n’ai pas le temps de m’arrêter. J’arrive finalement à Tillamook, pays de la Dairy et ça sent nettement la ferme. Le ciel est maintenant beaucoup plus dégagé mais il reste de bons bancs de nuages. Le musée est au sud de la ville, sur l’aéroport, et est impossible à manquer. Il est établi dans un ancien hangar à dirigeable qui est un bâtiment qui se voit à 10km à la ronde, sur lequel il est écrit en lettres de 30m de haut «AIR MUSEUM». Un Super Guppy et un B17 sont garés devant. Je rentre à l’intérieur et, sans que ce soit une grande surprise, l’intérieur n’est pas éclairé. C’est une structure gigantesque en bois, qui abrite aussi bien la collection du musée que des caravanes et autres RV.
Au début de ne vois que quelques avions, dont un Tomcat, un Mig17 et une bestiole inconnue, et il me faut m’avancer un peu pour voir que le reste de la collection est abritée dans un coin du hangar sous une énorme bâche blanche pour éviter que quoi que ce soit tombe dessus, en particulier ce qui tombe des oiseaux qui nichent sans doute là-haut. Ca rendra les photos encore plus compliquées, mais bon c’est comme ça. Je vais d’abord dehors voir le B17 et le Guppy, et tombe sur un autre hangar ou un Mustang et un Hayabusa Ki43 sont en maintenance. Le Tillamook est un musée volant et toutes les pièces du musée sont en conditions de vol. Une photo à l’intérieur du Guppy et je reviens dans le hangar à ballons. Sous la bâche, une petite collection sympathique avec tout ce que l’Amérique a pu produire comme warbirds, avec en particulier Grumman Duck, Dauntless, P-38, P-47, Avenger, Catalina et un Bellanca Aircruiser avec une aile haubanée en W d’un style particulier, mais qui était a priori un avion très performant même s’il n’a fait que du fret, la réglementation lui interdisant le transport de passager à cause de son unique moteur. Un dernier tour dans la partie non bâchée et je m’arrête devant la pièce inconnue, le Martin Maurer, concurrent malheureux du Skyraider, propulsé par un moteur de B-29 et avec des volets-aérofreins en peigne que je n’avais jamais vu avant.
17h, le musée ferme et je reprends la route qui est loin d’être terminé. Je compte me faire la Scenic Road des trois Caps avant de rejoindre mon étape du soir, McMinnville. Cape Mears, Cape Lookout et Cape Kiwanda sont longés par une route qui vaut le détour. Maintenant le ciel est bien dégagé et les photos rendent bien. Cape Mears coiffe Oceanside, petite bourgade accrochée à la colline dominant une belle plage, et est habillé d’un petit phare. Je profite de la lumière pour faire des photos et poursuis sur Cape Lookout. Dans l’intervalle, un banc de brume revient à la charge et me cache le soleil. La visibilité devient crapoteuse, il commence à se faire tard et j’aimerai bien faire une lessive ce soir, donc j’arrête la route côtière, dis au revoir au Pacifique et remets le cap vers l’intérieur des terres. La brume reste accrochée aux collines que je traverse et à l’intérieur, c’est grand beau temps. Malheureusement j’arrive plus tard que voulu et trop tard pour la laverie. Ca sera donc pour demain matin, dommage de devoir se lever tôt pour ça !
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