USA’10 – Day 10 – Du Maïs au Métal

Dayton, c’est en plein dans la Corn Belt, cet espace agricole du Midwest étalé sur quatre états, et qui suffit à lui seul à remplir les silos à grains (de maïs) du pays. Connaissant la consommation de pop corn et de corn flakes des locaux, ce sont des gros silos, croyez-moi. Forcément, quand on parle d’aviation dans le coin, le maïs n’est jamais très loin. Et forcément, beaucoup des gens qui volent dans le coin sont aussi ceux qui exploitent la terre.

J’avais prévu d’aller faire un tour à Troy, 20 miles au nord de Dayton, parce qu’à Troy se trouve Waco Field et son WACO Air Museum (à ne pas confondre avec Waco, Texas, de sinistre mémoire). Si le musée est tout petit, l’avion est une légende. Les Waco étaient parmi les biplans les plus prisés dans les années 1920, fiable et robustes, et faisaient jeu égal avec des Boeing Stearman ou d’autres constructeurs bien connus. Ces constructeurs là ont su prendre le virage imposé par la Seconde Guerre Mondiale, contrairement à la Weaver Aircraft Company of Ohio qui en était resté à des principes de constructions devenus obsolètes après guerre. La WACO a donc périclité au bout de quelques années, mais les avions volent toujours et la légende reste.

Le musée en lui même est superbe, deux petits hangars modernes mais aux allures d’époques, et les sept avions des débuts (du Cootie de 1919 au Type 7 de 1924) dans un état là encore impeccable. Étant seul visiteur ce jour-ci, le boss me fait le tour du propriétaire avec moult explications. Mais le clou du spectacle ne se trouvait pas à Waco Field.


Il se trouvait à Troy Skypark, à quelques miles de là. Troy Skypark, c’est une dizaine de locaux, pour la plupart des agriculteurs à la retraite, qui ont décidé de construire leurs baraques à deux pas d’un champ de maïs. Quoi que, dans la région, c’est un peu le cas de tout le monde. Sauf que ceux-ci ont des garages en forme de hangars, qu’ils ont mis un coup de moissonneuse dans le champ pour dégager une belle bande de terre de 600m, qu’ils y ont planté de la belle herbe de fareway et une biroute et qu’ils ont aménagé un taxiway jusqu’à leur garage. C’est un peu ça, l’aviation du Midwest. Une grande baraque, un pick-up, un champ de maïs, une manche à air et un biplan. Ca a des airs de Géant Vert.

J’avais donc demandé à faire un tour en WACO au-dessus de Waco Field, et le boss m’emmène donc à travers champ jusqu’à Troy Skypark. « Euh, oui, c’est vraiment là ? ». Oui oui. Il me présente à mon pilote, 70 ans bien tapé, qui ouvre les portes de son garage et je découvre un magnifique WACO Type 10 CSO. Tranquille Émile, on le sort du garage, on monte la dedans sans casque, la tête à l’air et on met en route. « Clear prop !!! ». Et là, sans casque, c’est un peu le son et lumière… On taxi gentiment entre les épis, on s’aligne et on met les gaz. Bon, au retour vous allez être un peu sourd, très décoiffé et plein de moucherons entre les dents parce que c’est impossible de ne pas avoir la banane dans de telles conditions. Alors bien sûr le panorama est un chouïa monotone, à base de champs de maïs et de granges typiques. On passe une grosse autoroute 2×4 voies et on a l’impression que c’est elle qui s’est trompée d’époque. Parce que là franchement, on est en 1925. On volette au-dessus des champs, on la joue « Ghostrider, pour un passage bas et presque rapide » sur Waco Field et on revient à la maison. « Mais ce lequel notre champ » ? « Celui là, avec les deux grands arbres qui sont au seuil de la piste ». Petite baïonette pour éviter les deux arbres, et on se pose, entre les épis. A cette époque de l’année, ceux ci font bien deux mètres de haut, alors autant dire que depuis la route on doit voir au mieux l’aile supérieure qui se balade à travers champ. On range le jouet dans son coffre après s’être bien amusé, on remercie son pilote et on s’en va, un peu sourd, pas bien coiffé, mais très heureux.

Quelques photos ici : http://www.daedalum.org/photos/waco/

Et puis on reprend la route, parce que le voyage ne s’arrête pas là. Et on remonte vers le Nord Est et la Rust Belt. C’est le surnom revu et corrigé de l’ex-Manufacturing Belt, à savoir la zone historique industrielle des États-Unis. Chicago, Detroit, Cleveland, Pittsburgh, Rochester etc. Fini la verdure et les champs à pertes de vue, ici c’est plutôt cheminées, briques, chemins de fer et globalement c’est pas bien glop. J’arrive à Cleveland en fin de journée couverte, et ce paysage manchesterien ne m’inspire pas trop. Bon, Cleveland c’est aussi fait une place dans l’Histoire pour deux raisons. La première, c’est que c’est le site historique des National Air Race / Thompson Trophy dans les années 30 et un peu après guerre. S’y sont illustrés des pilotes et des avions que vous connaissez peut être, Jimmy Doolittle sur Gee Bee R-1, Roscoe Turner sur Wedell Williams ou sur Laird Meteor, ou encore Neumann sur Howard DGA6 « Mister Mulligan ». Malheureusement, de cette époque dorée il ne reste plus rien, si ce n’est quelques avions dans un musée dédié à l’automobile. Plus de pylônes, plus de courses et l’aéroport est désormais tout ce qu’il a de plus de commercial.

La deuxième, c’est que c’est ici qu’a été inventé le terme rock’n roll, et par extension le style. Historiquement donc, l’épicentre du séisme Rock ‘n Roll est donc situé au bord du lac Erie, en Ohio, même si les répliques ont été nombreuses et variées en tout point du globe depuis. Pour célébrer tout cela, le Rock ‘n Roll Hall of Fame a été érigé au bord du lac, sous la forme d’une espèce de pyramide de verre abritant une collection de guitare, de disques d’or, de fringues et d’accessoires de scènes et d’autres éléments de concerts (les personnages gonflables de Pink Floyd etc.). Ici sont intronisés, années après années, les plus grandes figures du rock pour être sacrées dans ce qui se veut être le Panthéon du genre. Rien de bien étonnant finalement que ce soit en pleine Rust Belt que soient célébrés le Rock et son petit frère, le Métal.

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