La nuit tombant, nous nous arrêtons à mi-chemin entre Abel Tasman et la côte Ouest dans un camping recommandé par nos deux guides. En bord de rivière, c’est un spot pour les kayakistes et rafters de la région en escale. Mais le cimetière qui le jouxte donne la couleur. Le réceptionniste commence par nous accueillir par un « $30 for two people » avant de nous dire bonjour. Ce sera la dernière fois que nous acceptons de payer avant de faire le tour du propriétaire. Tout date d’il y a trente ans et apparemment le ménage n’est pas compris dans le prix. Les sites pour les campers sont coincés entre le cimetière et la route, les douches sont décorées par les araignées, la machine à laver fuit. Le contraste avec les paysages parfait d’Abel Tasman pique les yeux. Nous attendons que le groupe de rafters libère la cuisine pour nous enfiler une omelette maison et au lit.
Au petit matin, réflexe paranoïaque contracté lors de la première semaine : nous levons les rideaux pour s’enquérir de la couleur du ciel. Mince, c’est couvert, alors qu’on nous avait promis un « perfect day ». Bon, on avance et on verra bien, ça se dégagera sans doute en arrivant vers la côte. La route continue à sinuer sérieusement et nous nous hâtons lentement. La côte se présente enfin, très découpée là encore, et la houle qui tape sur les rochers lève une brume d’embruns. La route qui longe le relief continue son alternance de petits virages serrés et dévoile le panneau annonçant le parc national Paparoa, un autre petit parc entre mer et montagne.
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Les stars locales sont les blowholes, rochers percés par l’érosion dans lesquels les vagues s’engouffrent et ressortent en puissants jets d’écume et souffles rauques. Le Trou du Souffleur puissance trois. Histoire d’arranger le décor, la roche ici s’affiche en mode pancake. Un empilement de strates fines de quelques centimètres, témoin d’un passé où les sols sablonneux immergés se sont compactés en couche à la suite d’un processus dit de « stylobedding » encore mal appréhendé. La balade vers les blowholes se faufile au beau milieu d’un parterre de flax, l’osier local qui était la plante à tout faire des maoris et aussi un bon repère à mouches noires. Nouvelle offensive sur nos mollets pendant que nous attendons LA vague qui fera souffler plus haut que la précédente. Nous guettons la vague, la bonne lumière, le bon cormoran perché sur le bon rocher qui nous donnera LA photo. Mais l’instant s’y prête mal car il est midi et c’est marée basse, en mer comme dans nos estomacs. Pendant ce temps une petite brise de mer fini de chasser la brume et le ciel est au grand bleu.
L’après-midi est dédiée à une randonnée le long de la Fox River qui s’enfonce dans le Paparoa Range. Camper garé, chaussures enfilées, nous partons bille en tête le long du sentier. Une demi-heure plus tard, nous croisons un couple de retraités qui nous prévient que le balisage peut être piégeur et qu’il faut qu’on s’attende à se mouiller les pieds, il y a quatre cours d’eaux à traverser. Le guide avait prévenu un besoin pour de bonnes chaussures mais pas à ce point là. Cinq cents mètres plus loin, nous loupons le panneau disant de bifurquer à droite et arrivons droit dans la rivière. C’est donc ici qu’il faut passer ? Quentin enlève les chaussures et s’enfonce dans vingt centimètres de boue vaseuse, juste au moment où je vois le panneau en me retournant. C’est pas de bol. Finalement le passage est cent mètres plus en amont, et nous pataugeons les chaussures à la main dans trente centimètres d’eau très fraiche. Rebelote cent mètres au dessus pour revenir sur la rive de départ. Quentin perd l’équilibre et se rattrape sur sa main tenant les chaussures, désormais bien fraîches. C’est vraiment pas de bol.
La balade monte franchement dans la rainforest et l’ombre prend le dessus malgré le soleil ardent. Ici le sol ne sèche jamais et les cailloux se couvrent gentiment de mousse, transformant le sentier en patinoire chaotique. Décidément ici les « family walk » demande un peu plus qu’une paire de tongues. Notre objectif se découvre enfin au détour du chemin : l’entrée d’une grotte ouverte au public dans laquelle n’importe qui muni d’une torche peut s’enfoncer au gré de sa curiosité. Nous prenons nos frontales et notre courage et nous attaquons la spéléo. Le boyau laisse tout juste passer un bonhomme avec le sac à dos et les chaussures accrochent mal. Gare aux têtes, les stalactites attendent la rencontre avec nos scalps de pied ferme. Détour après détour, la grotte continue, continue, continue, et notre témérité diminue, diminue, diminue. Les photos dans la boite, nous faisons demi tour et retrouvons avec plaisir la lumière du jour à travers le rideau de fougères. Nous redescendons la patinoire sans casse, retraversons la rivière deux fois et revenons au van en apercevant un panneau d’info au début du sentier qui indiquait tout ce qu’il fallait savoir pour le bon déroulement de cette balade mais que nous avions nonchalamment négligé au départ… Read the fucking manual !
Nous repartons faire deux-trois photos des blowholes, maintenant à marée haute, re-servons de casse-croute aux sandflys, puis reprenons la route côtière jusqu’à Greymouth, une petite ville de la côte. Le camping donne sur l’océan et nous espérons bien arriver juste avant le coucher du soleil pour décapsuler une paire de bières sur la plage, et peut être voir le rayon vert. La route est magnifique, bordée par la mer et la montagne, sous une lumière de fin de journée qui fait sortir les couleurs du moindre brin d’herbe. Les kilomètres passent et le soleil tombe doucement. Un superbe pont sur une de ces rivières de galets si typiques ici nous amène à Greymouth. Mais le temps de ravitailler le porte-monnaie, le camper, le frigo, nous arrivons au camping alors que le soleil fleurte avec l’horizon. Nous choisissons le premier spot disponible pour le camper, sortons deux bières et les appareils photos et nous précipitons vers la plage. Malheureusement le temps de dégainer, le soleil avait fini par disparaître complètement. Ca s’est joué à une dizaine de secondes. Heureusement, nous avons deux bières et des côtes d’agneaux pour finir la soirée.
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