Petit matin clair et de plus en plus frais, les duvets se referment un peu plus chaque nuit. Mais le beau temps est encore au rendez-vous et nous n’allons certainement pas bouder notre plaisir, d’autant plus que la côte ouest est réputée pour être pluvieuse, car les reliefs des Alpes du Sud y arrêtent l’humidité amenée de l’ouest par l’océan. Une jolie brume matinale cape le haut des premiers sommets comme une couette en coton tombant du bord du lit.
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Nous quittons la mer pour nous enfoncer un peu plus dans le relief, sur la route transalpine qui se termine à Christchurch via le Arthur’s Pass, notre destination du jour pour une randonnée. Encore une fois la route est superbe. Elle remonte une de ces rivières de galets au fond d’une de ces vallées parfaitement plates, sculptées par un glacier d’une autre époque, flanquées de part et d’autres de pentes abruptes mais tout de même intégralement recouvertes de végétation. La route enjambe les cours d’eau par de nombreux « one lane bridge », aussi long qu’étroit, et il vaut mieux regarder à l’horizon pour voir si un camion de bétail n’emprunte pas le pont en même temps. En pratique, la route ne croule pas sous le trafic, et les chauffeurs routiers sont plutôt sympa ! Le soleil est au beau fixe mais un couvercle de nuage bouche le fond de la vallée. Pas de doute, c’est bien là où la route nous emmène, au gré de pentes à 16% qui ramène nos envies de vitesse à la réalité, mais notre vaillant petit camper avale tout ça sans trop broncher.
Arrivés au col, mauvaise surprise, les nuages bouchent l’autre versant de la vallée. C’est plus une brume matinale feignante qu’une couche, mais c’est frustrant d’aller se mettre à l’ombre quand on vient d’un soleil radieux. Le col est également un point de passage de la ligne de chemin de fer qui relie les deux côtes. On regarde passer les convois interminables difficilement tractés par des locomotives fumantes qui s’époumonent contre la pente. Le Visitor Center du Parc National nous recommande une balade sur le versant ombragé en nous disant que ça ne devrait pas tarder à se dégager. Nous obtempérons et le temps de rejoindre le point de départ, un rayon de soleil a réussi à percer la couche, réchauffant le fond de la vallée. On prépare les sandwiches pendant que les nuages se craquellent sérieusement jusqu’à nous laisser entrevoir un beau ciel bleu. Nous avons hâte de démarrer car les maudites sand flys s’invitent à un open buffet à nos frais.
La balade vers Bealey Hut longe une crête qui donne un panorama imprenable sur les reliefs alpins environnants. Après une heure de grimpette, nous dévorons notre pitance sur un petit pierrier qui fait office de balcon sur la région. Là encore une rivière se fraie un chemin – et même plusieurs – au travers d’un plateau de galets qui constitue le fond de la vallée. Autour de ça, des massifs couverts de différentes couches de végétation montent à plus de 2000m et certains sommets couverts de neiges laissent deviner leurs glaciers. Le soleil tape dur et nos réserves d’eau optimistes s’amenuisent rapidement. Après 650m de déniveler, nous arrivons en fin à la Hut, une cabane avec quatre lits très rustiques destinée à accueillir les Trampers, ces randonneurs sillonnant les « Great Walks » qui se déroulent sur plusieurs jours. Les oreillers semblent avoir bien vécu et il faut des minima de confort relativement modestes pour s’y sentir à l’aise. Nous poursuivons un peu plus haut pour sortir de la forêt et contempler une dernière fois le panorama et déguster nos dernières gouttes d’eau. Il faudra en prendre plus la prochaine fois. Au-dessus de nous passe une paire de Kea, ces perroquets endémiques, puis une autre, bruyamment. Surprenant de voir ces oiseaux qui font office de rapaces locaux évoluer aussi haut avec d’aussi petites ailes. Ces bestioles sont réputées pour leur intelligence : pendant que deux vous amuse, deux autres en profite pour vous piquer le sandwich que vous avez quitté des yeux. Nous les regardons tourner quelques minutes avant de reprendre notre marche. La descente se fait sans encombre mais nous avons bien pris le soleil et les visages ont légèrement rosis.
La journée n’est pas finie pour autant, car il faut rebrousser chemin par la vallée pour retrouver la route côtière et ensuite tirer au sud vers les deux grands glaciers : Franz Joseph et Fox Glacier, notre étape du lendemain. Le soleil déjà bas reste planté dans le pare-brise tout le long et entame la bonne humeur. Les reliefs restent invariablement couverts de rainforest et il est difficile d’imaginer qu’un glacier puisse arriver jusque là. Nous arrivons à la tombée de la nuit à Franz Joseph sans avoir vu l’ombre d’un glaçon, et nous atterrissons dans un « Rainforest campervan » où les spots de camping sont séparés par des haies de fougères et d’arbres biscornus. La visite à Franz Joseph ne s’improvise pas, comme dans beaucoup de spots touristiques sur la côte ouest, où le business est complètement orienté vers les tours guidés de toutes sortes : à pied, en kayak, en hélico ou en avion. Difficile de visiter sans laisser moins de 100$ pour avoir accès au glacier. Nous réservons en ligne un tour guidé d’une demi-journée sur le glacier pour le lendemain, et allons nous coucher bien fatigués après cette journée bien chargée.
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