La journée débute à Everett, au nord de Seattle. Dans le monde aéro, Everett rime avec le chiffre sept. Sept comme dans 747, 767, 777 ou 787. Donc lever à 7h du matin, car je suis attendu à Future of Flight, une organisation rattachée à Boeing en charge d’organiser les visites sur le site. Everett n’est pas le site de Boeing dans la région, mais un des sites. Renton, au sud du Lake Washington, s’occupe de produire les 737 moyens courriers. A deux pas de Renton, les essais en vol partent de Boeing Field où nous étions hier. Autant dire que cette boîte à une emprise monumentale sur la région.
Après quelques courses sur la route J’emprunte la Boeing Highway. L’usine se dévoile au détour d’un virage. Monumentale c’est le bon terme. Boeing s’est installé ici à la fin des années 60 pour produire le 747. Histoire d’avoir les coudées franches pour construire le plus grand appareil au monde, ils y ont construit le plus bâtiment fermé le plus volumineux du monde. Après avoir doublé de surface pour accueillir la production des 777 puis des 787, le bâtiment a conservé son titre au fil des ans. Près d’un kilomètre de long, 35m de haut, 500m de profondeur. Il paraît qu’au début des nuages se développaient au plafond. L’autoroute passe entre les bâtiments, un ou deux Dreamlifter par ci et des 787 en pagaille par là.
Future of Flight se trouve de l’autre côté des pistes. Le bâtiment fait à la fois office de mini-musée (avec entre autre un Beech Starship), de boutique Boeing Store et de salle de briefing pour les futurs visiteurs et ce qu’ils n’auront pas le droit de faire. Pas d’appareil photo, pas de téléphone, ça ne rigole pas. Ce lundi matin de vacances il y a déjà de quoi remplir deux bus, dont un de chinois. Bizarrement ils se font plus fouiller que nous…
Après un petit film propagande, on nous embarque direction le gigantesque bâtiment des lignes d’assemblage. Il est lui même posé sur un réseau de tunnels qui permettent de s’y déplacer sans traverser les outillages en surface. C’est ainsi qu’on débarque au beau milieu de la chaîne 747. Un ascenseur nous emmène sur un point de vue duquel on prend la mesure du monument. Quand on trouve un 747 petit, c’est que le reste est vraiment grand.
On voit aussi l’évolution des méthodes de production avec le temps. La chaîne 747 mélange fabrication et assemblage, à poste fixe. C’est une jungle d’outillages et de praticables. La chaîne 777 est en comparaison plus simple, avec un système d’avance constante dédié à l’assemblage, les modules étant pré-assemblés au préalable. Pour finir la chaîne 787 paraît vide. Les appareils sont assemblés en quelques jours au même poste, en assemblant quelques super-modules, dont certains sont déjà peints aux couleurs de la compagnie cliente. Bluffant, mais ça n’a pas été de tout repos à mettre au point ! Dehors, on se ballade un peu à pied entre les bâtiments et on prend encore une fois la dimension du système Boeing, les hectares de parking, les Starbucks partout dans l’usine. Par contre ça ne va pas fort pour le 787 avec ses soucis de batterie, et Paine Field est truffé de 787 avec ou sans moteur, quasiment prêts à être livrés. Ça représente un gros paquet de fric qui attend d’être écoulé et ça ne doit pas faire rire les actionnaires de Boeing.
Retour au Future of Flight, je fais quelques photos du Starship et de l’aéroport depuis une terrasse sur le toit. Un peu plus loin sur le terrain se trouve trois belles collections, Historic Flight, mais qui est fermée aujourd’hui, les ateliers de restauration du Museum of Flight, fermé également, et la dernière qui m’intéresse plus particulièrement : la Heritage Flight Collection de Paul Allen, cofondateur de Microsoft et féru d’aviation. Encore une collection «parfaite» sous forme de musée volant (la plupart les machines sont en état de vol), on mangerait par terre et les avions sont en état mieux que neuf. Parmi les pièces remarquables, vous trouverez un unique Fw190 Dora d’origine (ex Champlin), des Messerschmidt Me163, Me109, de rares avions japonais Hayabusa et Zero et un quasi unique Il-2 Sturmovik. Ah, et puis il s’est aussi acheté un MiG-29 biplace, comme ça, juste pour le fun.
Bye-bye, Seattle, ce fut court mais intense, on se retrouve dans dix jours, mais c’est le 1er juillet et on m’attend au Canada pour la fête nationale. Je récupère l’Interstate 5 pour remonter au Nord, longeant le parc des North Cascades par le flan ouest. Parc National un peu atypique, il n’y a pas de structure spécifique pour le visiter, c’est de la pure wilderness, à l’exception de quelques stations de ski. Bizarrement pour les US, ici ça se passe à pied, sur l’eau ou à ski, mais pas ou peu de bitume. Le parc abrite le nord de la chaîne de montagne des Cascades, dont le Mont Baker, petit frère du Mont Rainier, et le Mont Shuksan que vous connaissez sûrement sans le savoir, car c’est un photo hyper classique. Pas de raison que j’en ai pas ma version, alors je m’engage sur une des rares routes qui pénètre dans le parc. Une petite route de montagne sympa qui serpente entre les forêts de pins comme je les aime, GoPro sur le capot. Au final, 2h de route aller-retour et pas mal de virages pour une photo, mais sans regret car il est vrai que le panorama «vaut le détour». Dommage qu’on soit si près du Mt Baker sans le voir toutefois.
Je passe ensuite au Canada par la petite douane d’une petite ville. La douanière est contente de voir un passeport français et me souhaite un bon Canada Day. Je prends l’autoroute au niveau d’Abbotsford et tire sur Vancouver. Je suis obligé de sortir à cause d’un chantier et continue ma route un peu à l’aveuglette sans carte précise. Je pousse à l’ouest en me disant que je finirai bien par rencontrer une grande étendue d’eau. Je passe d’abord déposer mes valises à UBC qui m’accueille pour deux nuits, mais se trouve exactement à l’autre bout de la ville. L’University of British Columbia loue ainsi des chambres à pas cher et c’est plutôt un bon plan en comparaison des hôtels hors de prix du centre ville. Il faut toutefois accepter d’être un peu excentré, mais le campus est simplement superbe et il me prend une envie subite de retourner sur les bancs de l’école. J’y arrive en fin d’après-midi, le temps de prendre la chambre et je reprends le chemin du centre-ville pour profiter des festivités du jour. Ca semble compliqué d’aller au centre ville en voiture ce soir. Je prends l’option bus, ce qui est toujours un peu l’aventure quand on ne connaît pas une ville, et j’en choisi un un peu au pif qui semble s’arrêter sur la même rue que celle de la parade. Je le prends mais me rends compte que certaines rues dans cette ville font des dizaines de km ! A un carrefour le bus se vide à moitié et je suis bêtement le troupeau en me disant que ça doit être une grosse correspondance. Bien m’en prend car une minute plus tard un autre bus marqué Downtown passe sur la rue perpendiculaire, et je saute dedans sans ticket (pas de monnaie, le chauffeur me dit «OK»). Je le savais avant de venir, mais tout cela me permet de constater l’importance de la communauté asiatique dans cette ville. Et pour autant il y a quand même un quartier appelé Chinatown, ça doit être quelque chose !
J’arrive à St Georgia St, la parade vient de commencer et je me cale au virage sur St Georgia & Burrard. La grande échelle des pompiers ouvre la marche, suivi d’un ballet de chars, de parades, de fanfares, dont une bonne partie sont intégralement asiatiques. Pour Canada Day je m’attendais a un défilé de bûcherons en chemises à carreau rouges tenant des ours en laisse. Ou va-t-on si plus personne ne respecte les stéréotypes ?! Je descends ensuite sur Canada Place et découvre le ponton avec les hydravions. Là, comme ça, en plein centre-ville d’une des plus importantes villes du Canada, un Beaver pose, puis un autre. Le temps qu’il remonte au quai, le soleil se découvre et je shoote. Les gens commencent déjà à s’amasser le long des quais pour le feu d’artifice de 22h30, mais il n’est que 20h. Je fais des photos des hydros puis pars m’acheter un burger. Je galère un peu parce que je cherche fast food en centre-ville, erreur de débutant, alors qu’en fait à deux pas de Canada Place il y avait une ribambelle de vendeurs ambulants. J’en profite pour acheter deux cartes et les écrire, mais je ne suis satisfait ni des cartes ni des textes. Je les ré-ecrirai demain, je suis comme ça.
Je trouve un spot en bord de quai avec vue imprenable sur les barges qui sont en train d’être installées dans la baie. Un vieux man s’assied à côté et commence à vouloir taper la discut’ alors que vraisemblablement ni moi ni son autre voisin – russe – n’ont vraiment envie de tout savoir de sa vie. Je mets le casque histoire de bien faire passer le message. 21h30, premier coup de canon. Le bateau des pompiers fait le show avec les lances à incendies. 22h00 les barges sont complètement mises en place, deuxième coup de canon. 22h15, encore un coup et la nuit tombe. 22h30 c’est parti. Les quais sont bondés. Le feu est bien mais pas le plus impressionnant que j’ai pu voir. Sur l’eau c’est quand même toujours plus beau, surtout quand dans l’axe vous avez le ponton avec tous les hydros qui se détachent en ombres chinoises à chaque fusée qui éclate. Depuis la plage d’en face avec la Skyline en background ca doit être bien sympa mais j’avais la flemme et surtout pas envie de crapahuter trop longtemps pour retrouver mon bus après. Je me galère déjà pas mal pour retrouver la ligne de bus qui m’avait amené là, à cause de travaux. Quand je le trouve enfin, le bus est plein. Je remonte la rue pour essayer de le prendre un ou deux arrêts plus tôt pour éviter la foule. J’attends un peu mais c’est un mal pour un bien, à l’arrêt suivant le bus est déjà plein et le chauffeur zappe tous les arrêts suivants. J’arrive enfin à UBC à minuit passé, cette nuit dodo !