Ca bouge encore

Désormais, et pour coller un peu plus à l’esprit initial de Daedalum, je vais m’efforcer de vous relater l’actualité d’une poignée de projets aérospatiaux actuellement en développement et qui représentent aujourd’hui les vraies nouveautés et innovations en terme d’aéronautique. L’Aviation a eu 100 ans en 2003, et pendant ces 100 ans la croissance a connu plusieurs vitesses : rapide de 1914 à 1920, puis ralentie jusqu’en 1935, puis très rapide pendant la guerre jusqu’en 1945, puis une croissance sans précédent jusqu’à la fin des années 70 et depuis….plus grand chose, voire régression. Sait-on encore faire voler un avion commercial à vitesse supersonique ? Non. Les records établis dans les seventies resteront hors d’atteinte encore un bon bout de temps, et il faut s’attaquer à autre chose aujourd’hui pour innover.

Fini le temps du plus haut, plus loin, plus vite. On fait désormais dans le plus écologique, plus efficace, plus intelligent, plus automatique, plus rentable. Pour autant, ce n’en est pas moins louable, même si on ne fera jamais un film comme l’Etoffe des Héros sur les pilotes qui testent ces nouveaux avions et qui semblent bien ordinaires à côté d’un Chuck Yeager et son Bell X-1 ou d’un John Glenn assis au sommet de son pétard géant, prêt à défier le grand Ivan en orbite.

Ordinaires, pas tant que cela finalement. Je vous avais déjà fait part de mes pensées vis-à-vis de Bertrand Piccard et son projet Solar Impulse. Je continuerai à vous tenir au courant de l’avancée de ce projet, qui représente le vol écologique poussé à l’extrême, puisque à part l’énergie utilisée pour sa construction, Solar Impulse se contentera des rayons solaires pour faire le tour du monde. Au dernières nouvelles, 40 des 70 millions de dollars nécessaires au record sont assurés, via de solides sponsors. Vivement la suite !

Second projet d’intérêt : SpaceShipTwo ; SpaceShipTwo (SS2) représente la « démocratisation » de l’accès à l’espace. SS2 est le petit frère (mais grand par la taille) du petit SpaceShipOne (SS1). Vainqueur du X-Prize en 2004, SS1 fut le premier appareil construit, financé et testé par une compagnie privée à aller flirter avec les franges de l’atmosphère, à plus de 100km d’altitude.

La compagnie en question n’est autre que….

… la célèbre Scaled Composites, dirigée par le non moins célèbre Burt Rutan, concepteur des avions canards et d’autres bizarreries géniales comme le Ares, Voyager, Starship, GlobalFlyer, etc. et financé par le pas-inconnu-non-plus Paul Allen, cofondateur de Microsoft retraité, passionné d’aéronautique et philanthrope à ses heures. SS2 est le fruit d’une joint-venture entre Scaled Composites et Virgin Galactic, filiale du groupe Virgin dédiée à la commercialisation de voyage spatiaux, à l’instar de ses grandes soeurs atmosphériques Virgin Atlantic, Virgin Blue, etc.

Pour 25 millions de dollars, Rutan avait relevé le défi de construire un engin réutilisable, capable d’emmener une personne à plus de 100km d’altitude, et de répéter l’exploit moins de deux semaines plus tard. Accroché à son vaisseau-mère, le superbe White Knight, SpaceShipOne était transporté jusqu’à l’altitude de 47.000 pieds à laquelle il était ensuite largué. Un allumage de moteur fusée et quelques secondes plus tard, le voilà à 112 km, 367.500 ft, et quelques minutes plus tard, il atterrissait sagement à sa base de départ, dans le désert de Mojave. Et la Terre comptait un nouvel astronaute. Un défi que seules des machines incroyablement compliquées et chères comme le X-15 ou la Navette Spatiale étaient capables de relever jusqu’alors.

Fort de ce succès, Rutan est approché par Sir Richard Branson, fondateur médiatique de Virgin, pour transformer cet exploit en business. Petite parenthèse, Branson fut le concurrent de Bertrand Piccard et de Steve Fossett au moment du tour du monde en ballon. Ce dernier devint quelques années plus tard pilote du GlobalFlyer construit par Rutan et financé par Branson. Le monde des mecs inspirés est très petit. Fin de la parenthèse. Ensemble, ils fondent The Spaceship Company, entité chargée de construire, opérer et maintenir la flotte d’avions porteurs et de vaisseaux. Le client de lancement s’appelle … Virgin Galactic, avec une durée d’exclusivité de 18 mois. La boucle est bouclée.

Transformer le coup d’essai SS1 en produit industriel est un défi d’une envergure peut être équivalente à celui d’avoir gagné le X-Prize. Il faut tout repenser. SS1 emportait un pilote d’essai qui savait quels risques il encourait. SS2 emportera en plus un copilote et sept passagers, qui espèrent bien – vu le prix du ticket (juste $200.000) – revenir sur Terre pour montrer leurs photos de là haut aux copains. SS2 sera donc plus grand. Il lui faut donc une plus grande monture. Pendant que le White Knight est utilisé pour lancer des bricoles de la NASA, the Spaceship Company construit White Knight 2 (WK2). Grand comme un 757, WK2 sera sans doute le plus grand avion sorti de chez Rutan, qui a pourtant quelques grands machins à son palmarès. WK2 pourra être utilisé pour faire des vols zero-G avec SS2 sous le ventre, histoire de donner un avant goût de l’apesanteur aux passagers. Le couple WK2/SS2 reprendra une bonne idée du couple WK/SS1 : un fuselage et un cockpit commun pour les deux. Avec des hublots partout, et pas seulement sur les côtés. Il serait dommage d’aller là haut et d’avoir un siège « Allée » !

Surtout que la vue sera belle. SS2 ira plus haut que son grand frère. Environ 140km d’altitude, et sans doute plus dans un futur proche. Et plus vite aussi, quasiment Mach 4 contre Mach 3 pour SS1. Tiens. Plus grand, plus haut, plus vite. Ca n’a pas vraiment disparu finalement. Les passagers subiront lors de la rentrée atmosphérique une accélération de 7g, qui ne serait pas vraiment supportable pour le quidam s’il n’était dans une position allongée, ce qui sera le cas dans ce vaisseau spatial business class (peut être trop bruyant pour la First). On notera d’ailleurs que les Miles accumulés sur Virgin Atlantic seront valables pour un billet sur Virgin Galactic !

Dans un premier temps, les vols partiront de Mojave, puis d’un spaceport dans le Nouveau Mexique. Pour les Européens, un accord a été signé pour utiliser la base de Kiruna, en Suède. Une aurore boréale vue d’au-dessus, ça doit être joli. Branson, en sa qualité de bon sujet de sa Majesté et Lord à part entière, souhaite également un site au Royaume-Uni. L’Ecosse et la Cornouaille sont sur les rangs.

Les premiers vols d’essais étaient prévus début 2008 pour un début d’exploitation fin 2009, mais un accident récent au sol lors de la mise au point du moteur fusée de SS2 va sans décaler le planning quelque peu. Trois personnes ont malheureusement perdu la vie dans cet accident, preuve que la course à l’espace, même privée reste un risky-business. Si le coeur vous en dit et que vous n’avez PAS $200.000 à mettre là-dedans, la Royal Aeronautical Society organise un concours dont le prix est justement, un billet pour l’Espace…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.