Le moteur de l’Homme : le Défi. Celui de l’avion : le Soleil

Ceux qui pensaient que l’aviation n’avait plus rien à prouver, que tout ou presque avait été fait et établi, peuvent ranger leurs préceptes au placard. Certes, que d’exploits réalisés en un siècle, certes il est difficile d’innover, mais finalement le plus dur reste à faire, et les challenges n’en sont que plus intéressants.

Devinette : qu’est ce qui a l’envergure d’un A380, pèse le poids d’une grosse berline, peut transporter une personne uniquement et surtout, surtout, qu’est ce qui est capable de faire le tour du monde sans une goutte d’essence ?




Il s’agit d’un drôle de volatile, piloté par un drôle d’oiseau. L’oiseau on le connaît déjà, et les tours du monde, il les connaît bien. Bertrand Piccard, psychiatre de formation et homme de l’Air, avait déjà réalisé le premier tour du monde en ballon avec Brian Jones à bord du Breitling Orbiter III il y a déjà huit ans. Je me souviens bien de ce 22 mars, où j’étais allé attendre l’arrivée des deux vainqueurs à Genève, séchant les cours pour l’occasion, parmi une foule incroyable et humide. Un bel instant, que celui où tous les esprits, unanimes, sont venus saluer l’exploit de deux pionniers. Les voici donc, descendant du jet qui les ramène du désert d’Égypte au milieu duquel ils ont atterri après vingt jours d’un voyage incroyable. Debout à l’arrière d’une voiture, ils saluent les mains tendues vers eux. A eux deux, ils ont réalisé le rêve de beaucoup, moi y compris. Alors j’y étais, alors j’ai tendu la main, alors je m’en souviens.


Ou est Charlie ? Regardez le bonhomme à droite avec la veste noire et blanche! 😉

Souvenirs, souvenirs…

Non content de cela, l’Animal remet ça. Là encore, le plus grand exploit de Piccard n’est pas le pilotage pur, il est dans l’entreprise incroyable dont il est la locomotive et qui aboutira, à force de détermination, à l’exploit. D’ailleurs Piccard ne pilotera sans doute pas le Solar Impulse, la machine improbable dont il est question. Professionnel, il préfère s’entourer des meilleurs, et en l’occurrence d’André Borschberg, ancien pilote militaire, qui aura le privilège de tenter le record aux commandes de l’avion.

Parlons-en, de l’avion. Solar Impulse, c’est donc son petit nom. 80m d’envergure, deux tonnes au décollage dont un quart de batterie, 48 chevaux (soit un peu plus que le chariot solaire d’Apollon, mais un peu moins que ma Clio) qui lui assure 70km/h de vitesse de croisière (soit un peu plus que le chariot solaire d’Apollon, mais un peu moins que ma Clio) à 40.000 pieds d’altitude (soit un peu moins que le chariot solaire d’Apollon, mais beaucoup plus que ma Clio) ce qui nécessite donc une cabine pressurisée. Rien que de penser, concevoir et réaliser un tel engin constitue un bel exploit technique, sans parler de le faire voler et surtout autour du monde. Un concentré de haute technologie, en terme de structure, d’aérodynamique, d’installation motrice, de gestion de l’énergie.

Un avion, qui comme ses prédécesseurs, Voyager et Global Flyer, ne ressemble à aucun autre et ne se pilote comme aucun autre. Solar Impulse sera souple, très souple. On ne pilote pas un avion souple comme on pilote un petit avion d’aéroclub. Les pilotes de planeur le savent bien, les pilotes d’A380 le sauront aussi. La souplesse et l’inertie le rendront très peu manoeuvrant. Pas très grave me direz-vous, quand le concept n’est pas de faire des tours de piste, mais le tour du monde. Il suffit d’aller droit devant, ou presque. Mais pour cela il faut décoller, il faut monter à travers l’atmosphère agitée, il faut éviter ou affronter les mauvais nuages qu’on peut rencontrer à ces altitudes, les cunimb, il faut redescendre, il faut atterrir. Et recommencer. Et recommencer. Et recommencer. Autant de raison de voir l’avion se faire plier comme un fétu de paille. Et pourtant il tient bon. A basse de composite et de revêtement ultra légers mais ultra résistants, il volera. De jour comme de nuit. De jour, des panneaux solaires sur les ailes et les empennages alimenteront les moteurs et rechargeront les batteries. La nuit, les batteries se videront dans les moteurs, jusqu’à l’aube.

Un voyage en quatre étapes. Du Moyen-Orient à l’Extrême-Orient. D’Extrême Orient à Hawaï. D’Hawaï à la Floride. De la Floride au Moyen-Orient (étapes de deux jours) et la boucle sera bouclée. Heureux qui comme Ulysse

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Planning prévisionnel :

  • Etude de faisabilité à l’Ecole Polytechnique de Lausanne en 2003
  • Annonce du défi le 28 novembre 2003
  • Développement du concept en 2004-2005
  • Design et fabrication d’un prototype en 2006-2007
  • Vols tests et premier vol de nuit avec le prototype en 2008-2009
  • Construction de l’avion final en 2009-2010
  • Missions de plusieurs jours, traversée de l’atlantique et tentative de tour du Monde avec une étape sur chaque continent à partir de 2010-2011

Pourquoi se lancer dans une tel aventure ? Pour la Gloire ? Il l’a déjà. Pour l’adrénaline ? L’adrénaline, non, pas quand on connaît le bonhomme, mais plutôt pour l’aventure, humaine et technique. Pour le pied de nez enfin ? Sans doute oui. Faire le tour du monde sans essence quand on en est tous à prendre la voiture pour aller chercher le pain constitue en soi une belle leçon.

Félicitons-nous de voir que l’esprit d’initiative est encore capable de motiver les foules et les budgets. Félicitons-nous également de voir que de nombreux chapitre de l’Histoire de l’Aviation restent à écrire. Croisons les doigts, et attendons quatre ans pour pouvoir féliciter, encore une fois, Bertrand Piccard et son compagnon André Borschberg pour ce rêve qu’ils réaliseront pour nous tous. Alors, pour reprendre une phrase trouvée sur le site de Solar Impulse :

«L’impossible recule devant celui qui avance…»

Ella Maillart

Historique des tours du monde :

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