La pluie nous laisse tranquille le matin mais le ciel est toujours couvert. L’appareil photo va encore dormir au fond du sac aujourd’hui. Nous escaladons le Mont Maunganui, une petite colline au bout de la presqu’ile qui nous donne un panorama imprenable sur la région après avoir marché une demi-heure au milieu des fougères argentées. Nos baskets nous servent enfin, mais on doit être les seuls à faire chemin en marchant. C’est une des ballades les plus courues de l’île, au propre comme au figuré, car ici tout le monde au petit trop, quel que soit l’âge ou la corpulence !
Nous arrivons finalement au sommet, avec au Nord Est l’océan et un porte-containers qui atterrit, au Nord Ouest la péninsule des Coromandels perdue dans son nuage. C’est là où nous devrions nous trouver aujourd’hui selon le planning initial, un des coins les plus pittoresques de l’Ile du Nord. Une prochaine fois peut-être ? Au sud ouest Tauranga et son port de marine marchande et au Sud Est la station balnéaire avec ses belles maisons et ses spots de surf. On les voit, petits points noirs attendant sagement sur l’eau qu’arrive LA vague. Ce n’est qu’une interlude, le programme de la journée nous amène plus au sud, en suivant la faille volcanique qui balafre l’île du Nord comme une cicatrice encore fraîche. Nous traversons d’abord des hectares de culture de kiwis, abritées du vent et des regards par de hautes haies. C’est ici qu’a commencé le business du kiwi il y a cinquante ans, en partant d’une baie venant de Chine. Depuis on a l’impression que c’est un fruit typique du pays…
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La route continue entre ces petits reliefs mamellesques qui ponctuent le paysage, et au milieu d’une végétation exubérante où les épineux côtoient aussi bien les feuillus que les fougères. Finalement l’air commence à sérieusement sentir le soufre (c’est à dire l’oeuf pourri !). Rotorua se rapproche. Rotorua, ville de 67000 habitants construite sur une zone volcanique active, la dernière éruption massive (Tarawera) ayant eu lieu en 1886 en modifiant sérieusement la géographie locale. La ville donne sur un joli lac, stigmate du cratère qui s’est creusé là des milliers d’années auparavant. Deux hydravions touristiques attendent sur l’eau, espérant comme nous que le plafond de nuages se dégage rapidement. La ballade classique consiste à aller voir depuis les airs la faille qui balafre le mont Tarawera. Nous nous contentons d’une ballade en ville qui est bizarrement déserte alors qu’elle semble taillée pour accueillir des bataillons entiers de touristes. Les salles de restaurant désespérément vides ne sont pas très accueillantes et nous nous replions sur l’indien du coin se vantant du meilleur butter chicken de la ville. Question : est ce bien du poulet ou du pukeko, sorte de poule d’eau à pattes exagérées qui lui sert à se déplacer à la surface des nénuphars. Drôle de bêtes que nous avons découvert sur place et qui pullule.
Faute de jolis paysages ensoleillés, nous nous consolons au Museum of Art & History de Rotorua, situé dans un ancien établissement thermal aux allures coloniales, avec ses jardins et ses parterres de jeu de croquet. C’était un ancien centre de cure thermal, les sources chaudes porteuses de multiples composés chimiques étant légion à proximité. Devenu musée, le bâtiment abrite une superbe exposition sur la culture Maori et la construction du pays. Histoire faîte de mythologie polynésienne et de pirogues au long cours arrivant il y a juste quelques centaines d’années (c’est toujours troublant de se dire que ce pays n’a connu l’homme que très récemment finalement) sur une île complètement vierge et isolée, sans aucun grand mammifère. Histoire faîte de prédateurs ayant peu a peu changés le visage de l’île : l’homme blanc, l’arme à feu, l’opossum, la tronçonneuse et aussi le volcan. Ici tout sent le souffre, les peintures au plomb virent au noir, tout est bâti sur une couche de lave et de rhyolite. Dans les parcs en ville, les petits étangs fument, avec une eau sortant de terre entre 90 et 100°C, et la boue fait des bulles. Ici la terre est bouillante, et il n’y a que la grosse pluie de fin de journée pour la refroidir.
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