Le soleil se lève tard au fond des fjords et le réveil se fait à la lumière de la quasi pleine Lune se couchant. Six heures du matin ça pique un peu les yeux, mais c’est le prix à payer pour être au rendez-vous du départ de la balade en kayak du jour. That’s the story : morning glory. Comme d’hab, notre guide ressemble à un Jésus moderne, avec cette nonchalance kiwi dans le ton, une barbe bien épaisse et un gros bonnet de laine.
C’est qu’il risque de faire un peu plus froid ici, surtout tôt le matin. D’ailleurs il nous annonce que les « thermal wear » sont fortement recommandés, et fournis d’office. Nous voilà donc munis de splendides collants rayés verts, avec le haut assorti, Beetlejuice style. Heureusement un gros kway jaune et la jupe du kayak viennent cacher tout ça. Après deux jours à Abel Tasman, nous sommes désormais experts en kayak de mer et les consignes de sécurité nous semble être une vieille routine pour débutants. Pour le cas, elles seront aussi inutiles (tant mieux) qu’à Abel Tasman parce qu’aujourd’hui encore les conditions sont idéales. Grand beau temps, vent calme, ce qui n’est pas forcément habituel ici, ou on rame même sous la pluie ou quand la houle réussit à se frayer un chemin dans les méandres du fjord. Mais pas aujourd’hui, alors profitons-en. Le tour démarre à l’ombre des reliefs environnants, qui sont plus ou moins un ensemble de quasi-falaises laissées par le retrait du glacier.
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Effectivement il s’agit bien d’une vallée creusée par la glace à l’époque glacière, donc concrètement un fjord, et non une vallée fluviale envahie par la mer contrairement à ce que le nom Sound (bras de mer) pourrait laisser penser. De fait tout autour est imposant. En quelques coups de pagaies, nous flottons au-dessus de 200m d’eau dominés par des sommets dépassant les 2000m. Le plus connu d’entre eux, Mitre Peak, nous apparaît alors que le soleil laisse échapper quelques rayons par dessus la crête opposée et réchauffe le paysage. L’eau est parfaitement calme et sert de miroir à l’ensemble. Il n’y a que nos sillages et ceux des bateaux de croisières, heureusement encore peu nombreux à cette heure, pour perturber ce bel équilibre. Nous laissons Bowen Falls sur notre droite et visons Stirling Falls, droit devant. Elle nous paraît proche mais c’est un run de plus de 8km. La verticalité fausse toutes les distances.
En chemin, le ciel commence à bourdonner. Nous sommes juste sous la finale de l’aérodrome de Milford Sound, qui peut être un des plus occupés du pays en haute saison. Il faut dire que ça doit valoir le coup vu de là-haut, et l’approche qui suit le parcours du fjord a son charme. Au loin, les premiers glaciers se montrent sur les plus hauts sommets. Nous traversons le fjord pour longer les parois verticales du Mount Kimberley, l’occasion de croiser une ou deux otaries s’amusant autour de nos kayaks. L’atmosphère commence à devenir plus humide et venteuse, un changement d’atmosphère qui trahit la proximité de Stirling Falls, cachée derrière un détour. Je remets le kway que la température en hausse m’avait vite fait retirer, car un des buts de la balade est d’aller voir cette chute d’eaux d’aussi près qu’on le souhaite. Elle mesure plus de cent mètres de haut, mais l’eau en dessous est très profonde et sans remous. Ce n’est pas forcément le cas en surface car l’eau entraine un énorme flux d’air qui tombe avec elle de la paroi et balaie tout à la surface. Il faut ramer fort pour se rapprocher, et les embruns légers finissent par se transformer en douche écossaise sérieuse. Nous nous prenons au jeu, mais jetons l’éponge à une dizaine de mètres au moment où nous avons l’impression d’être passés au karcher. Il n’est même pas dix heures et ça finit de bien nous réveiller.
Nous repassons du côté ensoleillé du fjord et avançons bien, ce qui nous permettra sans doute d’aller jusqu’au bout du chemin, quand l’eau rejoint la Mer de Tasman. Petite pause casse-croûte sur l’eau en mode raft, le guide préfère ne pas poser pied à terre car c’est infesté de sand flys. D’ailleurs, même à cent mètres du bord, nous voyons les premières rappliquer, à croire qu’elles ont l’info trafic en temps réel. Les bateaux de croisières sont désormais plus nombreux et les sillages nous assurent des séances de rodéos intéressantes. Le dernier détour du fjord se présente enfin, celui qui cache la vue du fjord depuis la mer et qui fait que Cook est passé devant deux fois sans même le voir. Pris dans l’autre sens, nous passons d’un paysage vertical à une grande horizontale bleue, et derrière nous le fjord a effectivement disparu. Mais il est bientôt treize heures, et le water taxi apparaît à l’horizon. Il nous rejoint alors que nous avalons nos derniers snacks et tuons quelques sand flys, bien contents de cette jolie balade.
Décidément le kayak de mer s’avère être un moyen de randonnée de choix et capable de bonnes distances rapidement. Nous avons couvert plus de 25km en quatre heures, sans effort conséquent. Nous accostons sur le taxi boat en mer, et laissons les guides remonter les kayaks à bord. S’en suit un beau tour en bateau d’une demi heure pour revoir les mêmes paysages sous un autre angle avec un autre éclairage, qui complète bien le tour. Nous laissons nos habits de lumières au point de départ et repartons sur la route.
Il est plus tôt que prévu et l’étape que nous avions prévue le soir à Te Anau se transforme tacitement en un retour sur Queenstown, trois heures de route plus loin. Vu que nous n’avons pas vraiment déjeuné, ce sera l’occasion d’aller se faire le BK que nous avions repéré à l’aller. Il est six heures du soir quand nous y arrivons, le ventre bien vide, comme le restaurant, alors nous nous offrons une orgie whooperienne. Surprise au moment de chercher un camping, le week-end de Pâques a débuté et tout est quasi plein. Nous laissons de côté le camping qui nous proposait de dormir entre le BBQ et les WC, et retrouvons une place dans celui qui nous avait hébergé deux jours auparavant. Nous espérons que nous n’aurons pas de souci de place sur nos prochaines étapes.
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